Intervention de Michel Tubiana

Réunion du 15 mars 2016 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Michel Tubiana, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, LDH :

Le début de cet avis vous fera sans doute plaisir : il y est écrit que la déchéance de nationalité n'est pas, per se, contraire au droit, et qu'il faut constitutionnaliser l'état d'urgence. La suite sera moins plaisante aux yeux du Gouvernement : la Commission de Venise souhaite que l'état d'urgence soit limité dans le temps, précis, encadré par des modalités définies et non pas laissées à l'appréciation du législateur.

Nous sommes dans le cadre de ces garanties. Évidemment, je suis tout à fait preneur de ces garanties, ne serait-ce que pour permettre aux gens d'entamer le minimum des recours, c'est-à-dire le recours en indemnisation. Je ne crois pas trop à l'efficacité du recours en annulation, dans la mesure où les gens vont être confrontés aux inévitables notes blanches du ministère de l'intérieur, auxquelles les juridictions administratives accordent une crédibilité a priori.

Quitte à vous paraître excessif, je vais vous faire part d'une réflexion qui me vient de mon expérience de militant des droits de l'homme très tourné vers la région euroméditerranéenne. À ma connaissance, le seul pays dont les structures sont reconnues comme démocratiques et qui pratique des interventions de cette nature, sans laisser de traces et sans que l'on puisse savoir qui a fait quoi, c'est Israël dans les territoires palestiniens. Considère-t-on que les gens qui sont perquisitionnés en vertu de l'état d'urgence sont des Palestiniens ou qu'ils leur ressemblent ? En tout état de cause, c'est la réalité. Dans un état de droit, il est invraisemblable que quelqu'un ne soit pas en mesure de prouver que des policiers sont venus chez lui.

Tout en étant preneur de ces préconisations, je persiste à penser que la vraie question est celle du maintien de l'état d'urgence, à moins que l'on estime, comme le Premier ministre, que ce régime d'exception doit durer jusqu'à l'éradication de Daech, ce qui nous promet de beaux jours.

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