Intervention de Delphine Batho

Réunion du 22 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Je parlerai pour ma part de trois alertes : le droit d'alerte économique du comité d'entreprise d'EDF au mois de décembre, lequel révèle au sein de l'entreprise un climat social préoccupant que vos déclarations ne vont pas apaiser ; la démission du directeur financier d'EDF, dont j'aimerais savoir à quoi vous l'attribuez ; le rapport enfin que publie la Cour des comptes sur la stratégie internationale d'EDF, selon lequel, dans le dossier d'Hinkley Point, « la complexité même du montage évoqué et surtout la façon dont il pourrait impacter la responsabilité d'EDF suffisent à susciter de fortes interrogations ».

Vos arguments, monsieur le ministre, semblent partir du postulat qu'il existe une continuité entre les décisions de 2013 et celles d'aujourd'hui. Or le montage a substantiellement évolué du fait de l'absorption d'Areva par EDF : désormais, EDF finance le projet à 66 % et doit le consolider à 100 % dans ses comptes, pour un montant de 23 milliards d'euros, montant supérieur à la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, la garantie du Trésor britannique fonctionnera à partir de l'entrée en service de Flamanville 3, mais qui sait quand celle-ci aura lieu ? Enfin, le réacteur est une tête de série, dont 60 % de la fabrication sera réalisée au Royaume-Uni, qui n'a pas construit de centrale nucléaire depuis vingt ans : tout porte donc à croire que les soixante-douze mois prévus pour sa construction seront dépassés.

Il y a là un risque industriel et financier évident, et intégralement supporté par EDF. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à rendre public le rapport de M. Yannick d'Escatha sur les risques du projet Hinkley Point ou, à tout le moins, à le communiquer plus confidentiellement aux députés, qui ne peuvent pas être mis devant le fait accompli sur une opération qui engage l'avenir d'EDF ?

Vous avez par ailleurs évoqué l'entrée d'actionnaires privés au capital de RTE : est-ce à dire que vous allez réviser la Constitution puisque, aux termes de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, les réseaux doivent être un bien collectif et public, ce que réitère la loi de 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ?

En ce qui concerne sa stratégie globale, EDF est confrontée à un mur d'investissements, résultat d'années de sous-investissement dû aux dividendes que s'est servis l'État. Vous estimez que la solution ne passe pas par un retour à la régulation ; je pense, au contraire, qu'il faut revenir à un système régulé et revoir le statut d'EDF, car ce n'est pas une entreprise soutenue par des capitaux privés qui nous permettra de conduire la politique énergétique de la France. Avec un statut de société anonyme, EDF n'aurait pas construit les centrales nucléaires. Nous avons aujourd'hui sur la table une proposition sérieuse, qui n'a rien à voir avec une renationalisation à l'ancienne mais suggère une sortie d'EDF de la Bourse et la transformation des actions privées en parts sociales qui seraient rachetées par les consommateurs et les salariés de l'entreprise. Que pensez-vous de cette proposition ?

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