Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 29 mars 2016 à 15h00
Débat sur les violences faites aux femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Cette loi faisait suite à un travail engagé par nos collègues sénateurs, et que nous avions poursuivi dans cette assemblée, en particulier au sein de la délégation aux droits des femmes, que présidait à l’époque Marie-Jo Zimmermann.

Nous avions décidé de nous appuyer sur une étude essentielle, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France – ENVEFF – qui avait révélé à la population de notre pays ce que nous voulions ignorer, collectivement. La violence anonyme que nous avions laissée s’installer et l’hypocrisie collective qui caractérisait alors notre pays nous amenaient en effet à considérer que les violences faites aux femmes dans la sphère familiale relevaient, justement, d’une sphère intouchable, à laquelle la puissance publique ne pouvait et, pire, ne devait pas accéder.

En tant que responsables publics, nous avons décidé tous ensemble – gauche, droite et centre confondus – de mettre sur la place publique la question majeure de la violence conjugale sous toutes ses formes et de la traiter, car elle constitue la principale cause de délinquance dans notre pays : 10 % des femmes d’une génération ont été, sont ou seront victimes, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, d’une violence au sein de leur couple, du fait de la volonté du conjoint violent de diminuer, d’abaisser, de détruire la femme dans ce qu’elle est, dans son identité, dans son authenticité, dans son droit à l’égalité.

La première loi, celle à laquelle j’ai fait référence et dont j’ai eu le grand honneur d’être le rapporteur dans cette assemblée, a permis de franchir des étapes importantes. Reconnaître, comme nous l’avons fait il y a dix ans, la possibilité qu’un viol soit commis au sein d’un couple, ce n’était pas évident – certains parlementaires ne voulaient d’ailleurs pas s’attaquer à ce problème. De même, ce n’était pas rien que de reconnaître, comme nous l’avons fait, que les ex-conjoints pouvaient également avoir à répondre de ces violences conjugales et que tout fait relevant de la même problématique, même commis des années, voire des décennies, après le drame vécu par une femme victime de violence, devait se voir appliquer des circonstances aggravantes.

La seule chose que nous n’ayons pas réussi à faire en 2006, parce que les esprits n’étaient pas mûrs, nous y sommes parvenus quatre ans plus tard en adoptant la loi du 9 juillet 2010, avec les députés ici présents et Danielle Bousquet, dont je salue l’action à nos côtés et à la tête de la mission d’information. Au-delà de la violence physique, des morts ou des paralysies dont souffrent à vie toutes ces femmes victimes de violences et qui sont l’horreur même, cette loi reconnaît le flot incessant des violences psychologiques invisibles mais si brutales, sauvages et injustes qu’elles réduisent à néant les espoirs de si nombreuses femmes dans notre pays. Cette grande et belle loi est venue parfaire le dispositif par la mise en place de l’ordonnance de protection, la reconnaissance de l’existence du délit de violence psychologique et grâce à plusieurs mesures permettant de reconnaître, partout sur le territoire, le besoin impératif de lutter de toutes nos forces contre ce fléau. Il nous reste beaucoup à faire. Non que rien n’ait été fait, mais parce que ces deux lois sont riches de dispositifs si prometteurs qu’il y a toujours une marge de progression.

Pour terminer mon propos, je voudrais évoquer trois sujets en particulier. Premièrement, l’ordonnance de protection. Nous avons constaté avec Danielle Bousquet que ces dispositions étaient entrées en vigueur, mais de manière timide et inégale, et trop souvent imparfaite. Il serait utile de faire le point aujourd’hui et d’améliorer la situation, tant certaines juridictions peinent encore à reconnaître cette avancée considérable qu’est l’ordonnance de protection. Deuxièmement, les violences psychologiques. Malgré le travail formidable fait pour nous et avec nous par la Chancellerie en 2010, beaucoup de juges peinent à reconnaître les éléments permettant de caractériser cette infraction et de la punir. Or nous savons que l’horreur, ce sont les violences psychologiques qui précédent immanquablement les violences physiques et conduisent trop souvent à la mort. Dernier sujet, l’hébergement des femmes victimes de violence avec leurs enfants. Lorsque la femme n’a pas le choix de quitter le domicile conjugal, même si la loi prévoit que c’est au mari violent de le quitter, elles se retrouvent souvent, lorsqu’elles ont des enfants, dans une situation impossible et sont victimes d’une double peine : non seulement elles quittent le domicile, mais elles voient aussi leurs enfants confiés à d’autres, à des familles d’accueil, car aucun dispositif national n’est véritablement appliqué à l’échelle locale.

Je tiens à appeler votre attention, madame la ministre, sur ces quelques sujets sur lesquels nous devons avancer. Je crois que l’unanimité qui a toujours été de mise au sein de cette assemblée nous permettra de progresser autant que nous le souhaitons. Quoi qu’il en soit, seize ans après l’ENVEFF, beaucoup reste à faire et beaucoup a été fait, mais nous n’avons pas à rougir de tout ce que nous avons décidé de mettre en oeuvre, sous différents gouvernements, et qui fait l’honneur de la représentation nationale.

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