Intervention de Pascal Bobillier-Monnot

Réunion du 23 mars 2016 à 11h00
Commission des affaires économiques

Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées, CNAOC :

Les noms de domaine sont-ils inclus dans la négociation ? Non. Les noms de domaine sur internet sont d'ores et déjà encadrés dans une enceinte internationale, l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). Après trois années d'intenses négociations avec les autorités américaines, avec l'appui des gouvernements français, espagnol et italien, et de la Commission européenne, nous avons signé un accord commercial avec un major de l'industrie internet américaine, la société Donuts. Je ne le détaillerai pas car il est confidentiel. Je peux seulement dire que ce sujet devrait interpeller très largement la représentation nationale puisque, dans les faits, les noms d'IG sur internet vont continuer à être vendus aux enchères. L'accord commercial permet un meilleur encadrement. Mais appartient-il à un secteur privé comme celui dont je fais partie et à une société de l'industrie internet américaine de négocier l'application du droit public ? Non. Aussi le Parlement français devrait-il s'intéresser de très près à l'encadrement des noms de domaine sur internet. Pour avoir été au coeur de la négociation, je dois dire que la Commission européenne n'est pas très ambitieuse en la matière. Si des États membres comme la France ne le sont pas, l'Union européenne ne le sera pas davantage. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir sur le sujet. On peut remercier l'engagement particulièrement déterminé de la secrétaire d'État chargée du numérique, Mme Axelle Lemaire, toujours présente à nos côtés et particulièrement courageuse sur cette question. Notre secteur d'activité demande qu'à l'avenir, lorsque l'on négociera la protection des IG, l'on négocie également la protection des IG sur internet.

Madame Michèle Bonneton, vous nous demandez quelle est la différence entre les vins génériques et les vins semi-génériques. Il n'y a pas de vins génériques aux États-Unis ; vous faites sûrement référence à des vins d'autres continents. Les semi-génériques sont des vins américains qui portent des noms d'IG accompagnés d'un localisant, par exemple California Champagne.

Vous nous interrogez sur l'attitude de la Commission européenne et son chantier de simplification. Le secteur viticole n'est pas naïf. Nous avons subi une réforme ultralibérale en 2008 que nous avons réussi à atténuer avec la réintroduction d'un instrument de régulation des plantations à l'occasion de la réforme de la PAC. La Commission européenne est très « attentive » à la voix de l'industrie. L'industrie plaide en faveur d'une nouvelle vague de libéralisation du secteur viticole dans l'Union européenne, en particulier sur les vins d'entrée de gamme qui sont des vins sans indication géographique. En la matière, nous sommes extrêmement vigilants et vous l'avez été à nos côtés. À cet égard, je remercie Mme Marie-Hélène Fabre et d'autres parlementaires qui ont interpellé la Commission européenne à l'occasion de son chantier de simplification ; nous étions convaincus qu'elle allait en profiter pour libéraliser un peu plus le secteur. Les propos que le commissaire européen Phil Hogan a tenus la semaine dernière au Parlement européen nous ont un peu rassurés. Par contre, si la Commission est silencieuse sur le sujet des mentions traditionnelles dans le cadre du TTIP, ce n'est pas un hasard. Elle est très ambitieuse sur la protection des IG, mais nous n'avons pas beaucoup de doutes que, le moment venu, il y aura des négociations dans le secteur viticole. L'une de ces négociations pourrait porter sur les mentions traditionnelles. Je remercie donc le Parlement français d'interpeller la Commission sur le chantier de la simplification.

S'agissant des normes techniques, lors de la négociation de l'accord vin en 2005, les Américains ont tenté de négocier la reconnaissance de nouvelles pratiques oenologiques non autorisées dans l'Union européenne – ainsi l'ajout d'eau dans le vin, pratique non reconnue par l'Office international de la vigne et du vin. Cependant, les Américains pourraient avoir des velléités de faire reconnaître cette pratique dans le cadre du TTIP. Nous devons donc être prudents sur la question des normes techniques.

En ce qui concerne le TTIP, notre stratégie professionnelle est simple. Je rappelle d'abord que nous ne sommes pas dans le coeur de la négociation. Mais heureusement, grâce à notre fédération européenne, nous parvenons à obtenir des informations. Le secteur des IG viticoles est uni sur ce sujet. Nous déployons depuis quelques années une stratégie qui se révèle très payante : nous allons chercher des alliés ailleurs, surtout aux États-Unis. Nous avons convaincu une partie de la production américaine – je pense aux American Viticultural Areas (AVA) : Napa valley, Oregon, etc. –, d'être présente à nos côtés. Aujourd'hui, de nombreuses régions américaines nous accompagnent pour plaider auprès du Congrès américain afin que le législateur américain progresse sur la question des indications géographiques. C'est la seule stratégie payante.

Le secteur viticole est demandeur d'un accord, car ce marché sera de plus en plus important pour nous. Nous souhaitons que l'Union européenne soit offensive sur les IG, mais pas à n'importe quel prix. Il faut progresser, notamment sur la question des 17 semi-génériques, car il n'est plus acceptable que les Américains continuent d'utiliser ces noms.

Pour nous, le CETA avec le Canada était un accord plutôt moyen. Il présente toutefois l'avantage de protéger des IG comme le Champagne, ce qui empêche les opérateurs américains d'exporter des vins portant le nom « Champagne » au Canada.

Nos amis américains sont très doués en matière de négociations. Ils ont beaucoup progressé puisqu'ils ont signé un accord avec les pays du Pacifique. Nous devons être extrêmement vigilants car il y a très clairement des stratégies d'encerclement dans ces négociations internationales. L'Union européenne parle beaucoup de l'accord TTIP ; nous savons qu'elle est également présente sur d'autres accords. Il faut donc qu'elle continue d'être ambitieuse, notamment en ce qui concerne les IG, et qu'elle signe des accords avec d'autres pays que les États-Unis.

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