Intervention de Patrice Chassard

Réunion du 23 mars 2016 à 11h00
Commission des affaires économiques

Patrice Chassard, vice-président du Conseil national des appellations d'origine laitières, CNAOL :

Vous nous demandez comment on peut sortir l'agriculture de la crise qu'elle traverse ; je ne peux pas vous répondre. Ce que je sais, c'est qu'à l'heure actuelle, s'agissant des produits agricoles qui me concernent, les consommateurs veulent soit du bas de gamme pas cher, soit du haut de gamme ; le milieu de gamme ne marche pas.

Les stratégies sur le haut de gamme, notamment les appellations d'origine, sont plutôt des stratégies de long terme, de génération en génération. Répondre à court terme à la crise est compliqué. En revanche, il est possible d'y répondre avec des stratégies de long terme. Je prendrai un exemple qui n'est pas du tout pris en compte par le consommateur : les laits de vaches nourries au maïs ne contiennent pas de terpènes, ces molécules aux propriétés antioxydantes, présents en grande quantité dans les prairies permanentes. Ils sont de fait dans les cahiers des charges des IGP mais ils peuvent l'être aussi dans les produits sans IGP. Certains produits ont le même nom, mais pas la même composition, pas le même impact sur la santé.

Vous nous demandez quel peut être l'impact du TTIP sur les produits laitiers. Les exportations de produits laitiers sont effectivement beaucoup moins importantes en volume que celles de vin. Cela dit, parmi les grands groupes laitiers mondiaux, les Français sont extrêmement bien placés. Ils mettent en avant les appellations d'origine, le savoir-faire fromager. Les campagnes de communication des produits laitiers génériques que j'ai pu voir aux États-Unis sont faites à partir des appellations d'origine fromagères. Il y a un impact indirect qui concerne également une grande partie du lait qui n'est pas sous indication géographique. Cela peut se démontrer très facilement.

L'accord entre l'Union européenne et le Canada a reconnu un nombre limité d'IG. Toutefois, la liste est révisable. Cela dit, les appellations ne sont pas toutes usurpées à l'export, seulement une partie. Ce qui est important c'est de pouvoir intégrer à la liste des produits qui deviendraient de nouvelles indications géographiques. Mais peut-être le CETA ne sera-t-il jamais appliqué, comme ce fut le cas de l'accord sur le vin conclu en 2005 entre l'Union européenne et les États-Unis…

Il est évident que le schéma n'est pas du tout le même entre la France et les États-Unis en matière d'exigences sanitaires, environnementales et du bien-être animal. Pour ce qui concerne le secteur laitier, les indications géographiques s'inscrivent dans le respect du bien-être animal, du développement durable, de l'environnement, etc. Si le nom du produit est le même, il ne recouvre pas la même chose. La transparence à l'égard du consommateur sera un point clé. Mais si les accords ne permettent pas d'expliquer quelle est la différence, c'est nous qui, à terme, en pâtirons largement.

S'agissant des produits laitiers, les trois quarts des indications géographiques sont au lait cru. Ce n'est déjà pas facile de défendre tous les jours le lait cru au niveau français et européen ; je ne vous parle donc pas des problèmes que l'on rencontre à l'exportation. Des discussions sont en cours avec les États-Unis, en dehors des normes qui n'ont rien à voir avec la santé mais qui constituent de réelles barrières à l'entrée, sur des mesures équivalentes en termes de maîtrise des risques et des pratiques. J'espère que nous pourrons avancer en la matière, pour que l'on ne nous bloque pas en usant de critères qui n'ont pas de raisons d'être.

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