Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 31 mars 2016 à 15h00
Débat sur l'accueil des réfugiés en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la présidente de la commission des affaires européennes, ma collègue Danielle Auroi, d’avoir proposé la tenue de ce débat. Elle nous a ainsi ouvert la possibilité de nous exprimer sur l’attitude et les actions de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, de nous interroger, de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, et à travers vous, d’interroger le Gouvernement sur les choix effectués et les décisions adoptées.

La période est particulièrement tragique. Sur fond de conflit international, l’exode vers nos pays de milliers d’êtres humains vivant atrocités, violences, viols, tortures, misère a de quoi effrayer.

À cela s’ajoutent les changements climatiques, qui font déjà croître de manière dramatique le nombre de déplacés environnementaux. Ces déplacements pourraient concerner 200 millions de personnes d’ici à 2050. De nombreux sociologues, politologues, climatologues annonçaient depuis des années la migration des populations à travers le monde comme le défi du XXIe siècle. Nous y sommes.

La montée du terrorisme et des égoïsmes nationaux se nourrit de cet état. Les populations européennes doutent, hésitent entre compassion, solidarité, méfiance et rejet. Doit-on pour autant repousser loin de nos frontières ceux que l’on ne veut pas voir, cultiver l’entre-soi pour espérer gagner une paix sociale immédiate, au risque d’accroître l’attrait incontestable de nos pays riches ?

Il me semble que les politiques ont une place de premier plan à tenir dans un discours de solidarité, mère de la paix. En tant que membre de la délégation parlementaire française au Conseil de l’Europe, j’y prends ma part, en échangeant régulièrement avec mes homologues européens.

Je me suis rendue à Calais et j’ai constaté l’ampleur et la complexité de la situation. Comment accueillir décemment toutes ces personnes qui viennent de pays multiples et sont dans des situations différentes ? Quelles voies légales de passage dessiner ? Quelles perspectives leur offrir ?

L’accord avec la Turquie, tel qu’il a été conclu il y a deux semaines, n’est pas un exemple de courage. Sa légalité et sa légitimité sont de toutes parts critiquées.

Lors des échanges qui suivront, nous nous interrogerons plus spécifiquement sur la légitimité de cet accord. Peut-on considérer la Turquie comme un pays sûr, alors même qu’elle n’a pas ratifié en totalité la Convention de Genève ?

Au-delà du droit, je l’affirme, cet accord n’est pas digne des valeurs humanistes de l’Europe. Les pays européens ayant échoué à trouver des solutions communes repoussent le problème un peu plus loin. Loin des yeux, loin du coeur, comme on dit. Nous sommes en train de déshumaniser l’Europe.

Qu’en restera-t-il après ces mois et ces années de crise migratoire s’ajoutant à la crise sociale ? Notre Europe, aujourd’hui grand marché unique, peine à trouver un nouveau souffle démocratique. Montrant son impuissance face à la question migratoire, elle s’affaiblit aux yeux des citoyens et sur la scène internationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion