Intervention de Christophe Cavard

Réunion du 29 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui avec mes collègues pour avoir un échange franc et constructif à propos de ce projet de loi, dit précédemment « loi El Khomri », puis « loi travail » et, désormais, « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Ce texte a déjà beaucoup fait parler de lui, alors que nous-mêmes, parlementaires, n'avons pas commencé à l'étudier ensemble en profondeur, afin de proposer et d'apporter des améliorations. Car, vous vous en doutez, madame la ministre, nous allons y travailler sérieusement !

Entre le texte que nous avons sous les yeux et l'avant-projet initial, qui a été retiré afin de prendre en compte les principales craintes qui se sont exprimées dans le pays, les choses ont évolué. Pour ma part, je m'en félicite. Ce texte est issu de multiples travaux et rapports, qui ont formulé des propositions dans la perspective d'une refondation de notre code du travail et de l'amélioration du dialogue social dans les entreprises. Ceci, dans la continuité des textes que nous avons votés précédemment sur ces mêmes sujets, à savoir la loi relative à la sécurisation de l'emploi, la loi relative à la formation professionnelle et la loi relative au dialogue social.

Les travaux de la commission Badinter ont vocation à former le socle de cette refondation, bien au-delà du seul article 1er de ce projet de loi. Les principes dégagés par la commission ont vocation à devenir le préambule du code du travail et doivent inspirer l'ensemble de ce qui suivra, car ce sont les droits fondamentaux de chacune et de chacun au travail.

Le rapport de Jean-Denis Combrexelle sur la négociation collective, le rapport Mettling sur la transformation numérique et la vie au travail, le rapport sur le compte personnel d'activité, et d'autres encore, ont nourri ce texte.

Puisque je n'aurai pas le temps d'aborder en détail tous ces sujets – nous y reviendrons bien sûr au cours des travaux de la Commission –, je voudrais m'exprimer brièvement sur l'esprit de ce projet de loi, dans lequel vous vous préoccupez de dialogue social, de sécurité professionnelle et de flexibilité.

Pour ce qui est du dialogue social, je défends avec conviction, en tant qu'écologiste, la démocratie sociale et la négociation au plus près des spécificités de la production et de l'organisation du travail, au plus près des acteurs concernés, au sein de chaque entreprise. Les écologistes souhaitent favoriser et renforcer la possible participation des salariés dans leurs entreprises. C'est pourquoi ils sont porteurs du modèle de l'économie sociale, où prévaut le principe « un homme, une voix ». Ils sont donc naturellement favorables au dialogue social et à la négociation collective au sein de l'entreprise.

Mais nous savons que, pour parvenir à des négociations réussies, il faut garantir que les conditions de la négociation sont loyales et équilibrées entre les parties. Il faut de l'information, de la confiance et de la compréhension mutuelle entre les négociateurs. Il faut donc définir au préalable les règles du jeu, de façon claire et avec les outils adéquats. La négociation est une culture : elle s'apprend, de part et d'autre. Nous y reviendrons au cours du débat parlementaire. Cela concerne au premier chef les accords de méthode, mais aussi le rôle des branches professionnelles.

Je défends également, bien entendu, la sécurisation des parcours professionnels. Nous avons commencé à y travailler avec le compte personnel de formation, qui est l'amorce d'une possibilité de formation tout au long de la vie. De ce point de vue, l'augmentation des heures attribuées au CPF pour les personnes peu ou pas qualifiées est une bonne nouvelle. Nous pouvons nous féliciter de la création du compte personnel d'activité – qui intègre de multiples dimensions non seulement de la vie professionnelle, mais aussi de la vie sociale –, de la garantie jeunes ou du renforcement de la validation des acquis de l'expérience. Reste la question du compte épargne-temps et de son association au CPA.

Au-delà de ces évolutions majeures, il y a néanmoins, dans ce texte, un sujet qui pose problème : celui de la flexibilité. Pourquoi ce sujet est-il sensible ? Parce qu'il est nécessaire, aujourd'hui, de différencier ce qu'on appelle l'économie réelle de l'économie virtuelle. Si nous voulons aider les très petites entreprises, les artisans, les petites et les moyennes entreprises ou les entrepreneurs de l'économie sociale et solidaire, chefs d'entreprise et salariés, à s'adapter pour développer l'emploi, nous ne voulons pas pour autant faciliter la tâche du « monde de la finance ».

Ce texte doit apporter de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les actifs, mais pas pour les inactifs. Il ne faut pas offrir la possibilité d'accroître des dividendes issus de la spéculation et produits sur le dos des salariés tout autant que sur celui des entreprises sous-traitantes. Nous vivons dans un monde où, désormais, les rapports de subordination ne sont plus exclusivement entre employeurs et salariés, mais également entre entreprises multinationales ou donneuses d'ordres et leurs sous-traitants. Le débat n'est donc plus seulement entre salariés et patrons, mais entre économie réelle et économie virtuelle. Nous aborderons cette question dans les discussions et chercherons à proposer les meilleures solutions pour garantir les droits des salariés.

En conclusion, dans l'esprit de la loi, c'est-à-dire en faisant confiance à la négociation entre exécutif et parlementaires, et pour donner tout son sens à la démocratie parlementaire, je souhaite que nous continuions, dans les semaines qui viennent, à améliorer ce texte et à évacuer les peurs, par l'écoute et le dialogue, avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent participer, hors des logiques de postures et de façon constructive.

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