Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 29 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Madame la ministre, en 2015, la France est le quatrième pays au monde à avoir versé le plus de dividendes à ses actionnaires : 47 milliards de dollars ! Dans le même temps, la fraude fiscale des plus riches continue de battre des records. Selon le rapport du sénateur Éric Bocquet, c'est un montant compris entre 60 et 80 milliards d'euros qui échappent aux caisses de l'État en raison de l'évasion fiscale. Or cet argent qui manque est la justification des politiques d'austérité des gouvernements UMP puis socialiste, de cette austérité qui grippe toute l'économie de la France en vidant les carnets de commandes.

Madame la ministre, pourquoi voulez-vous que les travailleurs portent le poids des problèmes des entreprises ? Pourquoi le code du travail, qui protège la santé des travailleurs, leur vie privée, leur vie tout court, devrait-il servir de variable d'ajustement ? Vous parlez de le simplifier, et, certes, il est un peu compliqué, mais pas autant qu'on tente de le faire croire. Pourquoi une loi qui le complexifie et le rallonge ? La partie du code consacré au temps de travail fait aujourd'hui 100 pages, votre projet de loi en ajouterait une vingtaine.

Le mouvement citoyen « On vaut mieux que ça ! » a récolté des milliers de témoignages. En voici quelques-uns : « nous survivons à deux sur mon SMIC » ; « mon patron me demande de faire avorter ma conjointe » ; « régulièrement, je me brûlais chimiquement le genou » ; « on me refusait les heures supp », parce que, « tu comprends, déjà que tu es là que la moitié du temps et que tu as des congés… » ; « licencié en apprentissage pour avoir été malade » ; « elles n'arrivent même plus à crier tellement on leur a fait entrer dans le crâne qu'elles n'avaient pas le droit ». Il y a aussi, en plus de ces milliers de témoignages, des citations d'employeurs : « c'est déjà une faveur que je vous fais en vous donnant du travail » ou bien « il y en a plein d'autres derrière toi qui attendent, estime-toi heureux ! » C'est aussi cela, la réalité en entreprise, des relations déséquilibrées entre un employeur qui ordonne et un salarié qui doit obéir.

Vouloir renvoyer au niveau de l'entreprise la négociation des droits, c'est prendre le risque que des salariés sous pression acceptent de céder le peu qu'ils ont. Les salariés ont bien du mal aujourd'hui à connaître les droits que leur accorde le code du travail, et encore plus de mal à les faire respecter. Qu'en sera-t-il demain, quand ils devront apprendre de nouveaux accords d'entreprise et de branche à chaque nouvel emploi ?

Madame la ministre, dix députés du groupe écologiste demandent le retrait pur et simple de ce projet. Quant à moi, il me reste une place de disponible à dix-neuf heures dans la salle de cinéma de l'Assemblée pour voir Merci patron ! Vous êtes la bienvenue !

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