Intervention de Pierre Burban

Réunion du 30 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires sociales

Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale, UPA :

Plusieurs questions portaient sur la question des accords d'entreprise, des accords de branches et de la hiérarchie des normes. Nous restons convaincus, par pragmatisme et absolument pas par idéologie, que l'accord de branche est indispensable à l'immense majorité des entreprises françaises. Permettre aux accords d'entreprise de déroger à ces accords de branche n'est pas forcément une bonne chose : nous considérons qu'il aurait été préférable que les assouplissements soient prévus par l'accord de branche.

Le mandatement peut évidemment poser problème, et d'abord un problème symbolique, puisqu'un syndicat envoie quelqu'un dans votre entreprise. Et, très concrètement, ce qui est facile à Paris ne l'est pas toujours ailleurs. Je peux vous l'assurer pour l'avoir constaté au moment des négociations des 35 heures. D'abord, il fallait que l'artisan trouve une organisation syndicale de salariés, ce qui n'est pas évident dans tous les départements ; ensuite, malgré mon affection et mon grand respect pour ces syndicats, je dois bien dire qu'elles ne répondaient pas toujours !

Par ailleurs, je me suis mal fait comprendre, je crois, ce qui veut dire que je m'explique mal. Croyez-vous que le PDG de Renault négocie lui-même tous les accords et connaisse le code du travail par coeur ? Évidemment non : il dispose d'experts ; il adhère, qui plus est, à une bonne organisation qui aide les services compétents au sein de Renault. Mais à un artisan, à un commerçant, même s'il a vingt ou trente salariés, on demande tout : c'est l'homme-orchestre ! Il doit être parfait : bon à la production, bon commercial, bon dans la relation avec ses fournisseurs… Doit-il en plus devenir un spécialiste du code du travail ?

Vous me direz qu'en obligeant ces entreprises à recruter quelqu'un pour gérer ces problèmes, on va créer des emplois. Mais c'est une illusion !

Prenons des exemples très concrets. Lors de l'instauration des 35 heures, la branche de la boucherie a voulu attendre, pour élaborer son accord de branche, qu'arrive l'échéance pour les entreprises de moins de vingt salariés. Les adhérents de la confédération, dont certains étaient des entreprises de plus de vingt salariés, ont protesté. Leurs cotisations devaient servir, précisément parce qu'ils ne disposaient pas des compétences nécessaires en interne, à ce qu'elle s'occupe de leur accord de branche.

Autre exemple, nous venons de renégocier un accord avec les syndicats de salariés. Il nous a fallu cinq mois et six réunions pour y arriver. C'est du boulot de négocier ! Cela ne fait pas partie du quotidien de toutes les entreprises de France. Ce n'est pas qu'il faille interdire la négociation, mais ce n'est pas la vraie vie, ne nous berçons pas d'illusions.

Si l'on ressent une forme d'exaspération chez les chefs d'entreprise, mais aussi chez le citoyen de base, c'est parce qu'ils ne voient pas les effets des lois votées. Les entreprises que nous représentons nous disent toutes que le code du travail est compliqué, mais elles n'ont pas le sentiment, pour l'instant, que ce projet de loi leur simplifiera la vie. Gare aux illusions ! Au bout du compte, ce sont les extrêmes et le mécontentement qui progressent.

S'agissant du critère de licenciement économique, Jean-Michel Pottier l'a dit, la condition de durée des difficultés rencontrées n'est pas du tout adaptée pour les plus petites entreprises. Au bout d'un tel délai, elles sont déjà devant le tribunal de commerce ! L'un des gros problèmes des TPE-PME est celui des fonds propres, et, globalement, de la trésorerie. Aujourd'hui, on ne peut provisionner que pour un risque avéré ; mais lorsqu'il est avéré, il est trop tard. Le président de l'UPA Jean-Pierre Crouzet a fait une proposition qui consisterait à envisager un mécanisme de provisionnement pour le risque de rupture du contrat de travail.

En ce qui concerne la laïcité, l'article 1er ne fait effectivement que reprendre la jurisprudence actuelle. Mais voir cela écrit noir sur blanc, c'est tout de même autre chose, et cela suscite beaucoup d'inquiétudes. Je ne suis pas mandaté pour le dire mais, on ne peut pas poser le principe de laïcité dans l'entreprise de la même manière que dans la sphère publique. Pour des raisons historiques et culturelles, la vie de certaines professions est ponctuée par des fêtes liées à la religion – songeons à la Saint-Honoré, par exemple. Nous sommes attachés au principe de laïcité, mais je pense qu'il faut examiner la question de manière approfondie.

Enfin, la lutte contre la fraude au détachement est une bonne chose. Il faut être très attentif à cette pratique, car, dans certains secteurs, il n'y aura bientôt plus que des salariés détachés – le mouvement est déjà bien engagé. Je sais bien qu'il est illusoire de l'envisager, mais il faut réviser la directive détachement de telle sorte que la protection sociale accordée au salarié soit celle du pays d'accueil et non plus celle du pays d'origine. Ainsi, le problème du détachement serait immédiatement réglé.

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