Intervention de Jean-Michel Pottier

Réunion du 30 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires sociales

Jean-Michel Pottier, vice-président de la CGPME, chargé des affaires sociales et de la formation :

En ce qui concerne les critères du licenciement économique, je le répète, la pratique des PME n'est pas de licencier à tout-va, bien au contraire. On a vu, pendant la crise économique que, globalement, les chefs de TPE-PME ont tout fait pour conserver leur personnel. Certains ont même trop tardé à licencier et c'est le tribunal de commerce qui s'en est chargé.

Je l'ai dit tout à l'heure, en quatre trimestres, on se retrouve devant le tribunal de commerce. Retenir une telle durée ne sert donc pas à grand-chose.

Dès lors, quel autre critère retenir ? C'est extrêmement compliqué. Que fait un chef d'entreprise quand il a des difficultés ? Pour ma part, lorsque j'ai été condamné à payer 65 000 euros pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, je ne me suis pas payé pendant six mois et j'ai remis de l'argent dans l'entreprise. De ce fait, si l'on avait pris comme critères la situation de la trésorerie et celle du compte d'exploitation, on aurait vu une amélioration. Aurait-on pu, pour autant, en déduire qu'il y avait ou non matière à licenciement économique ? Si j'avais voulu procéder à un licenciement économique, à tous les coups, le juge m'aurait condamné. Pourtant, la situation de l'entreprise ne s'est pas redressée pour des raisons économiques, c'est moi qui l'ai sauvée.

En ce qui concerne le mandatement syndical, nous avons l'expérience des 35 heures. Pourquoi le mandatement syndical est-il compliqué en France ? L'idée est communément répandue que les patrons de PME ne veulent pas entendre parler des syndicats. Mais croyez-vous que leurs salariés le veuillent ? Pas du tout ! D'ailleurs, dans 94 % ou 96 % des entreprises, ils ne sont pas syndiqués. Cette très faible syndicalisation tient au discours même des grandes organisations syndicales, un discours formaté pour la grande entreprise, où règne un climat de lutte et de conflit qui n'a rien à voir avec ce que vivent les salariés de PME au quotidien : ils travaillent ensemble avec leur patron et sont plus préoccupés de trouver des solutions communes que d'entretenir un conflit permanent.

Le leurre du dialogue social, c'est le privilège syndical : rien ne se fait si on ne passe pas par une organisation syndicale. Nous proposons une autre approche, avec des garanties multiples : un accord négocié avec un salarié élu, validé par référendum à la majorité qualifiée et soumis à un contrôle de légalité. Ce dernier, en détectant immédiatement si tel ou tel point du code du travail n'est pas respecté, permet de situer d'emblée un accord dans les clous. Je ne vois pas l'intérêt du rescrit social : il n'empêche pas le contrôle du juge et ne permet pas d'éviter les contestations puisque le rapport est contractuel. Ce n'est pas la même chose qu'en cas de rescrit sur une cotisation due par l'entreprise.

Nous proposons comme autre garantie un accès facilité à la formation pour les salariés élus d'une TPE-PME qui s'engagent dans une négociation, mais ce pourrait être intéressant également pour le chef d'entreprise. On pourrait même imaginer – mais cela n'engage que moi – que cette formation soit éligible de droit au compte personnel de formation. La qualité des acteurs et de leur dialogue serait ainsi garantie.

On parle toujours des indemnités prud'homales, mais il s'agit, en fait, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour un motif dit « abusif ». Nous l'avons dit, dans bien des cas, la forme l'a emporté sur le fond. Il y a peut-être là quelque chose à améliorer. Une autre piste d'amélioration consisterait à favoriser la conciliation, ce que ne fait pas le système actuel. Plutôt qu'une prime fiscale et sociale au jugement en dernier ressort, mieux vaudrait donner une prime à la conciliation le plus tôt possible. Inversons les choses.

Quant au plafonnement, si vous m'interrogez sur son intérêt, je vais raconter mon histoire de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la vingt-quatrième fois…

Aujourd'hui, le provisionnement est fiscalement impossible. Je vous livre une réflexion personnelle sur laquelle la CGPME n'a pas pris position. De même que les entreprises peuvent aujourd'hui se prémunir de la charge que représentent les indemnités de départ à la retraite, on pourrait imaginer d'avoir dans un même cadre fiscal cette possibilité d'une provision externe pour ce type de risque. Des expérimentations sont en cours et cette piste mériterait d'être creusée.

S'agissant de la visite médicale d'aptitude, si on ne la supprime que pour une partie du personnel, qui déterminera quels sont les postes dits « à risque » pour lesquels elle devra être maintenue ? Comme d'habitude, cela restera de la responsabilité de l'employeur ! S'il y a un manquement de la médecine du travail, c'est l'employeur qui en est responsable. Mme la présidente a fait part de son expérience, permettez-moi de vous raconter la mienne. Vous le savez, toute entreprise qui emploie plus de dix salariés doit faire établir par le médecin du travail une fiche d'entreprise dans laquelle celui-ci répertorie les risques et les moyens de protection collectifs ou individuels qu'il préconise. Des mois durant, j'ai réclamé cette fiche, j'ai envoyé deux lettres de relance à la médecine du travail, et, pour finir, après une descente de la patrouille, on m'a collé un avertissement parce que je n'avais pas de fiche d'entreprise ! Attention, donc, à tout cela. Je ne suis pas sûr que la suppression de la visite médicale d'aptitude soit de nature à offrir à l'employeur cette sécurité annoncée dans l'exposé des motifs du projet de loi.

La CGPME a toujours été très favorable aux accords types de branche ; nous l'avons dit à l'époque du rapport Combrexelle et nous n'avons pas changé d'avis. Seulement, aujourd'hui, le projet de loi prévoit que les accords devront être approuvés par une majorité de 50 %. Ce sera déjà difficile pour un accord de branche tout court, alors pour des accords types de branche, c'est-à-dire des accords pour les TPE-PME discutés avec des représentants syndicaux issus de la grande entreprise, cela risque de prendre vraiment beaucoup de temps. D'ici à ce que cela produise des effets, la prochaine législature sera terminée ! Nous soutenons donc l'esprit, mais pas cette condition de majorité de 50 %.

D'autant que ces accords types ne sont même pas fléchés dans cette deuxième version du projet de loi. Faut-il vraiment attendre des accords types de branche pour régler les problèmes d'aménagement du temps de travail ? Excusez-moi, mais, c'est en interne, entre le patron et les salariés de la TPE-PME, que cela se règle. On n'a pas besoin d'un outil complètement démesuré sur un sujet, du reste, consensuel. Quand il y a du boulot, on voit ensemble comment faire face au carnet de commandes ; quand il y a moins de commandes, on s'organise ensemble aussi. Pour une fois, ne pourrait-on nous faire confiance ? Au fond, c'est tout ce que nous demandons.

Sur le fait religieux, la CGPME voit une différence entre la jurisprudence et la transcription qui en a été faite dans le texte : la jurisprudence est en creux, alors que, dans le projet de loi, l'article est en relief. Il retient comme postulat qu'« il est possible de… sauf… », alors que la jurisprudence procède par la démarche inverse.

J'ai oublié de citer, parmi les améliorations possibles, la réduction du délai de contestation du licenciement, qui est de six mois en France. En Allemagne, il est de deux semaines ! Nous ne demandons pas qu'il soit raccourci à ce point, mais nous voudrions un début de sécurité juridique.

Pourquoi le compte personnel d'activité nous inspire-t-il quelque réticence ? J'ai demandé aux branches professionnelles pourquoi elles n'étaient pas en mesure, aujourd'hui, de faire des référentiels de branche. La première difficulté, c'est la confusion entre le poste de travail et l'individu, comme l'a dit Alexandre Saubot. Le compte de pénibilité s'adresse à l'individu et pas au poste. Le deuxième problème tient à la polyvalence qui caractérise l'activité des salariés dans les TPE-PME. Dans mon entreprise, il faudrait que je les équipe d'une caméra GoPro ! En fonction des nécessités de production, ils passent d'un travail répétitif sur une machine pendant deux heures à autre chose. J'invite les sceptiques à passer une journée dans mon entreprise. Qu'ils viennent avec le code du travail, les arrêtés et les machins et qu'ils m'expliquent à quel point tout cela est simple !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion