Intervention de Alexandre Saubot

Réunion du 30 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires sociales

Alexandre Saubot, président du pôle social du Mouvement des entreprises de France, MEDEF :

En ce qui concerne la laïcité, méfions-nous de toute mesure générale. N'imposons pas une laïcité qui n'aurait aucun sens aux entreprises qui se sont construites avec une vraie problématique religieuse, et utilisons, dans chaque entreprise, l'outil du règlement intérieur, en redéfinissant correctement sa valeur juridique et les effets qu'emportent son non-respect ou son refus par les salariés. Cela permettrait de régler le problème sans engager de nouvelles guerres de religion. Qui plus est, l'application au privé du dispositif en vigueur dans le public se heurterait à la liberté d'entreprendre et à des situations très diverses.

L'accord type ne pourra jamais couvrir l'intégralité des situations en matière d'organisation du temps de travail – puisque c'est ce dont il est surtout question. Il faudra des parties adaptées à la réalité de chaque entreprise. Même si la branche dessine un canevas ou un modèle d'accord, il faudra bien que l'entreprise remplisse de petites cases avec des éléments précis, et il faudra valider ce dispositif au sein de l'entreprise.

Cela m'amène à la validation de l'accord. La règle actuelle la conditionne à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli 50 % des suffrages exprimés à ces mêmes élections. C'est le reflet de l'abstention, c'est-à-dire que, dans le système français, vous ne pouvez pas vous abstenir. Si vous exigez une majorité de 50 %, cela veut dire que vous inventez un système dans lequel l'entrée en vigueur d'un accord requiert l'accord, non de 50 % des votants, mais de 50 % des inscrits. La règle des « 30 % sauf si 50 % s'y opposent » avait essentiellement pour but de couvrir la problématique de l'abstention. Évidemment, si, demain, la validation d'un accord était obtenue à la majorité des membres d'un comité d'entreprise, d'une instance unique, la difficulté serait réglée. Nous retrouvons là des schémas qu'en tant que députés vous connaissez bien. La majorité des inscrits serait réservée à des situations très particulières.

J'ai oublié d'évoquer le périmètre retenu pour la définition du licenciement économique. Les dispositions prévues par le texte, à la suite du travail d'orfèvre fait par le Conseil d'État, permettent au juge de vérifier qu'il n'y a pas eu d'abus sans faire courir à l'entreprise de risque juridique majeur. Toucher au texte tel qu'il est rédigé rouvrirait la boîte de Pandore des menaces pesant sur l'attractivité de notre pays. Cela dissuaderait tous les groupes et toutes les entreprises qui l'envisagent de s'installer, revenir ou se développer en France, car le droit en vigueur est une grande source d'incertitude. Les chiffres montrent qu'il n'a pas bénéficié à notre pays. Nous étions les seuls, ces quinze dernières années, en Europe, à avoir un dispositif de ce type. A-t-il empêché quelque fermeture d'usine que ce soit ? A-t-il empêché que notre déclin industriel soit beaucoup plus marqué que celui d'aucun autre grand pays d'Europe ? C'est un dispositif repoussoir dont l'efficacité réelle sur les quelques situations critiques est marginale en termes de délai ou de coût. S'il a pu retarder l'échéance de six mois ou un an, avec un surcoût de quelques dizaines de milliers d'euros par tête à la clé, il n'a jamais empêché la moindre fermeture.

En revanche, croyez-moi, cela a décidé de nombreuses entreprises à ne pas s'installer ou se réinstaller en France. J'en veux pour exemple l'un de nos grands adhérents, dans le secteur de la métallurgie, qui a longtemps fabriqué des téléviseurs en France. Alors que toute sa production était partie en Chine et en Corée, le juge a décidé que cette société n'avait pas le droit de fermer son activité française de fabrication de téléviseurs, à l'évidence pourtant non rentable. Cette situation ne relevait pas d'une décision stratégique, mais était le fruit de l'évolution de la concurrence et du marché. Le jour où cette entreprise a été condamnée à plusieurs dizaines de milliers d'euros, elle a fait une croix sur la France comme territoire d'activité industrielle, et on ne l'a jamais revue. La décision procédait très clairement de notre droit, qui n'était pas attractif. Pour ce qui est d'éviter les abus et les pratiques scandaleuses, je répète que le texte issu des travaux du Conseil d'État est équilibré. Y toucher affecterait son efficacité économique et son message d'attractivité. Compte tenu du niveau du chômage dans notre beau pays, ce serait très dommage.

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