Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, co-rapporteur :

Je considère que la France doit redevenir le premier pays producteur et exportateur d'Europe. Si l'on est d'accord avec cet objectif, je suis convaincu que les régions, qui ont été redécoupées, recalibrées et qui ont vu leur rôle économique renforcé, seront l'acteur majeur de la politique agricole et agroalimentaire. Quelqu'un a pris l'exemple de la Bretagne. C'est précisément ce cas qui m'a conduit à proposer la définition d'objectifs par région. Si j'étais mesquin, je ferais remarquer que la quasi-totalité des régions de France, à l'exception de l'Alsace, a été gérée pendant plus de dix ans par la même sensibilité politique… Moi qui suis un Breton averti et attentif, madame Corinne Erhel, j'observe que l'exécutif régional assiste impassible, depuis dix ans, à la disparition de la production agricole, à la déstructuration de la filière agroalimentaire. Il faut poser clairement le débat des potentiels de production des régions de France. Les filières ne sont pas les mêmes en Bourgogne, en Franche-Comté, en Bretagne ou en Aquitaine. Ainsi, la filière laitière bretonne est très importante et il y a encore quelques années, la Bretagne produisait 50 % de la production porcine française. Mais comme il se posait un problème environnemental en Bretagne, on a considéré qu'il allait se régler de lui-même avec la baisse de la production, puisque les exploitations fermaient les unes après les autres. Mais c'était oublier que derrière se pose la question de toute la filière agroalimentaire, des outils d'abattage et des outils de transformation. L'État doit définir, avec les régions, des objectifs précis afin que la France retrouve son rang de premier pays producteur et exportateur européen.

S'agissant de l'organisation des filières, nous avons constaté que les interprofessions se parlaient peu, et nous avons même vu certains des acteurs quitter une table ronde que nous avions organisée. Nous proposons dans notre rapport de travailler à des interprofessions « longues » en étendant les organisations interprofessionnelles à la distribution et à l'industrie de la transformation.

Cela m'amène au problème des quotas. Je pense que la France a mal anticipé la fin des quotas laitiers. Les pouvoirs publics, c'est-à-dire les politiques, les services de l'État et l'interprofession, s'y sont mal préparés. En 2007-2008, la contractualisation était vue comme la tarte à la crème. Mais on oubliait d'expliquer aux éleveurs laitiers français que pour avoir une contractualisation efficace, encore fallait-il des parties prenantes structurées et organisées. Depuis cinquante ans, la grande distribution et les centrales d'achat se sont structurées et organisées, de même que les coopératives et les entreprises privées. Par contre, les éleveurs sont plutôt d'obédience entrepreneuriale, libérale et individuelle, hormis celles et ceux qui étaient déjà organisés en coopératives. Certains éleveurs n'étaient donc pas du tout préparés à intégrer une organisation de producteurs. Les représentants des associations d'organisations de producteurs que nous avons rencontrés nous ont demandé une réelle reconnaissance. Nous devons, à travers les textes et les règlements, reconnaître en France les associations d'organisations de producteurs et les aider à se structurer, à s'organiser et à discuter avec les partenaires de la filière, les industriels et les distributeurs pour élaborer à terme des contractualisations tripartites qui prennent en compte la question de la construction des prix des produits agricoles dans les prix de vente.

L'été dernier, M. Stéphane Le Foll a réuni les acteurs de la filière porcine et leur a dit qu'un prix du porc au-dessous de 1,40 euro le kilo ne permettait pas à nos éleveurs de vivre : c'est un peu cela la prise en compte de la construction du prix dans le prix de vente.

Mme Corinne Erhel a évoqué la publicité comparative et le site quiestlemoinscher.com. En fait, on y apprend au consommateur français qui n'a pas un fort pouvoir d'achat comment vivre sans dépenser beaucoup d'argent. Alors, on met sur le marché des produits qui ne sont pas chers. Il faudrait plutôt intégrer dans les relations commerciales une dose d'éthique et de loyauté et proposer des sites tels que « quiestlepluséthique.com » ou « quiestleplusloyal.com ».

Je suis conscient de la qualité de ce rapport, que vous avez tous reconnue – d'autant que je l'ai co-écrit avec Annick Le Loch (sourires), mais comme tous les autres, ce rapport n'est qu'une étape ; les choses ne s'arrêtent pas aujourd'hui. Alors que je vous parle, il fallait bien boucler notre travail, mais j'ai encore des propositions plein la tête, notamment en ce qui concerne la montée en gamme dont a parlé à juste titre Mme Delphine Batho. Pour partager de la richesse, il faut créer de la valeur ajoutée. Elle a parlé, à juste titre, de maltraitance administrative – j'ai apprécié cette expression – et des excès d'une bureaucratie qui ne se résume pas à l'environnement.

J'ai parlé des contrôles sanitaires, environnementaux et administratifs. En fait, dans ce pays on complique la vie de nos éleveurs, de nos artisans et de nos PME-PMI. Bref, on complique la vie de celles et ceux qui entreprennent. Il faut les laisser respirer et leur faire confiance car nous sommes entourés de gens honnêtes, sérieux, professionnels. Si l'on change de postulat, on peut contribuer à réduire les problèmes de prix à défaut de la régler totalement.

Notre rapport fait référence au rapport déposé par MM. François André et Marc Le Fur sur la fiscalité agricole. J'aimerais qu'on ait une fiscalité incitative, ou du moins que l'on encourage, que l'on réfléchisse à exonérer du foncier non bâti toutes les surfaces dédiées aux prairies, à l'autonomie fourragère, et tout ce qui encourage les protéines d'origine végétale ou les oméga 3. Moi qui viens de subir un double pontage, j'ai pris conscience de l'importance des oméga 3 qui sont sains pour les maladies cardiovasculaires.

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