Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Présentation

Annick Girardin, ministre de la fonction publique :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, nous examinons ce soir un texte important : le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Il constitue la pierre angulaire de l’édifice qu’entend bâtir le Gouvernement en matière de droit de la fonction publique.

C’est un projet de loi ambitieux qui vise à renforcer les valeurs que doivent incarner les agents publics – qui sont au service de leurs concitoyens –, tout en leur reconnaissant de nouveaux droits. Je me félicite que les deux assemblées soient parvenues à un accord sur ce texte. À l’issue d’un travail de concertation de longue haleine, elles se sont accordées, grâce à la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière.

Comme vous l’avez fait, madame la rapporteure, permettez-moi tout d’abord de rappeler le travail accompli sur ce texte par ma prédécesseur Marylise Lebranchu ici présente. Il illustre parfaitement son engagement sans faille au service de la fonction publique.

Je remercie aussi tout particulièrement Françoise Descamps-Crosnier. Quoique je n’aie travaillé que peu de temps avec elle, j’ai constaté qu’en tant que rapporteure, elle avait su se saisir pleinement de ce texte et l’améliorer en faveur des fonctionnaires, qui oeuvrent jour après jour au bien commun. Je tiens également à remercier et à saluer Philippe Bas et Dominique Raimbourg, respectivement président et vice-président de la commission mixte paritaire, ainsi que le rapporteur du Sénat, Alain Vasselle, car ils ont réussi à préserver l’esprit initial de ce texte.

Ce texte arrive donc à bon port à un moment tout à fait opportun. Il vise en effet à actualiser et à renforcer les droits et les obligations des fonctionnaires, qui n’avaient plus été abordés de façon globale depuis trente ans, depuis quatre grandes lois – l’une de 1983, deux de 1984, et la dernière de 1986. Dans notre esprit, ce texte s’inscrit dans la continuité de ces textes fondateurs, tout en les modernisant, en les adaptant aux attentes de la société, notamment en matière de transparence et d’exemplarité.

Ce projet de loi témoigne également du profond attachement du Gouvernement au statut de la fonction publique, à l’unicité de ses principes fondateurs et à la spécificité de ses trois versants. Ces droits et obligations sont fondamentaux, ils sont la substance même du statut du fonctionnaire.

Grâce aux travaux de la commission mixte paritaire, le texte qui vous est soumis s’efforce de trouver le juste équilibre entre les droits et les devoirs des fonctionnaires. Au-delà des discours sur l’exemplarité des agents, l’ambition du Gouvernement est de redonner du sens à leur mission. Du sens à leur mission, du sens à leur devoir, mais aussi et surtout du sens à leur engagement au service de la République. Il s’agit de retrouver le sens de cet engagement : c’est de cela qu’il est question aujourd’hui.

En octroyant de nouvelles libertés aux fonctionnaires, le Gouvernement fait un pas décisif vers la modernisation de la fonction publique : nous voulons une fonction publique en prise avec les enjeux de son époque, et qui responsabilise ses agents. En définitive, la fonction publique doit être à l’image de la société qu’elle sert, sans rien céder sur ses valeurs, qu’elle défend pour tous les Français.

Ce texte est ambitieux, je l’ai dit ; il est aussi juste, car il répond à une véritable attente des agents comme des citoyens. Il clarifiera les principes qui guident l’action publique au jour le jour : c’est nécessaire, et je m’en réjouis. Pour la première fois, ces principes seront inscrits dans la loi : dignité, impartialité, intégrité, probité et neutralité. S’y ajoute un principe auquel je suis particulièrement attachée, comme vous tous : la laïcité, dont la portée est ici précisément définie. Le fonctionnaire doit s’abstenir de manifester ses opinions religieuses dans l’exercice de ses fonctions, mais aussi respecter la liberté de conscience et assurer l’égalité de traitement des usagers qu’il sert.

Ce texte s’adresse à l’ensemble des agents publics, dans une logique de cohérence mais aussi de cohésion. L’introduction, dans le statut général des fonctionnaires, de dispositions visant à protéger les lanceurs d’alerte va dans ce sens. C’était l’un des points sur lesquels l’Assemblée nationale avait, à raison, insisté au cours des débats parlementaires. Un fonctionnaire qui dénonce de bonne foi les dysfonctionnements dont il est témoin sera ainsi protégé.

J’ajoute que ce projet de loi prolonge et parachève la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, car il instaure, dans le même esprit, de nouvelles obligations déontologiques, auxquelles seront soumis l’ensemble des agents publics, civils et militaires. Il renforce notablement les pouvoirs de la commission de déontologie, qui devient ainsi une sorte de vigie déontologique pour notre fonction publique. Il assure en outre – il le fallait – une bonne articulation entre la Commission de déontologie de la fonction publique et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, pour les agents publics qui en relèvent également au titre de leurs fonctions. Le texte instaure également un référent déontologue chargé d’accompagner la démarche déontologique, tout en préservant le rôle du chef de service quant au respect de la loi.

En plus des obligations déontologiques, cette loi propose des mesures fortes pour améliorer la situation des contractuels et favoriser leur accès à un contrat à durée indéterminée ou à la titularisation ; pour mieux organiser la mobilité des fonctionnaires qui souhaitent rejoindre le territoire ultramarin où ils ont leurs attaches, le centre de leurs intérêts ; et pour donner aux fonctionnaires les mêmes droits qu’aux salariés en matière de congés pour maternité, pour adoption ou pour paternité.

Ce texte prévoit également la prescription de l’action disciplinaire : aucune procédure disciplinaire ne pourra être engagée « au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction », ce délai étant interrompu en cas de poursuites pénales. Je rends hommage à la commission mixte paritaire, qui est parvenue à une rédaction dessinant avec la plus grande clarté les contours de ce nouveau droit. Cet article instaure ainsi une liberté fondamentale pour les fonctionnaires, tout en préservant les intérêts du service public lorsqu’un agent a failli.

Autre avancée : les droits des agents et de leurs familles sont élargis par le renforcement de la protection fonctionnelle. Les agents publics sont régulièrement la cible de violences verbales et physiques : il est indispensable de leur apporter un soutien inconditionnel. Je reviens tout juste d’un déplacement à Berlin, où j’ai eu le plaisir d’échanger avec mon homologue allemand, Thomas de Maizière, à l’occasion d’une conférence sur la violence à l’encontre des fonctionnaires. Nous constatons, dans nos deux pays, une hausse des violences à l’encontre des agents publics. En France, selon une étude menée en 2012 et 2013, 43 % des agents publics se disent victimes de violences verbales ou physiques. Ce texte contribue donc à répondre à cette situation. Nous nous sommes engagés, avec mon homologue allemand, à aller plus loin, dans le cadre d’un travail bilatéral.

Enfin, ce projet de loi renforcera la parité. La commission de déontologie de la fonction publique sera paritaire ; en outre, les listes de candidats aux élections professionnelles seront composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur les listes électorales.

Voilà les grandes lignes de ce texte de compromis, un texte juste et équilibré, qui rappelle constamment que de nouveaux droits supposent de nouveaux devoirs. J’en profite pour saluer, une fois encore, Mme la rapporteure, qui a joué un rôle déterminant pour que les deux chambres trouvent un accord. Son sens du dialogue, sa détermination et sa capacité d’écoute ont été des atouts précieux dans l’élaboration de ce texte.

Enfin, je profite de cette occasion pour vous rappeler les marques de confiance que le Gouvernement a déjà données aux agents de la fonction publique. En témoigne la revalorisation des salaires des catégories C, c’est-à-dire les plus bas salaires de la fonction publique, en février 2014 et en janvier 2015. Nous mettons à présent en oeuvre le protocole sur les carrières et les rémunérations – appelé PPCR : parcours professionnels, carrières et rémunérations. La loi de finances pour 2016 en a posé les grands principes ; cela nous conduit à modifier plus de 500 textes d’ici la fin de l’année, comme s’y est engagé le Gouvernement. Les textes relatifs aux catégories B et aux catégories A des filières sociales et paramédicales seront publiés dans les prochains jours.

Enfin, je vous rappelle que le Gouvernement a décidé de revaloriser le point d’indice de la fonction publique, qui était gelé depuis juillet 2010. Il augmentera de 0,6 % au 1er juillet 2016 et de 0,6 % au 1er février 2017, ce qui représente une hausse de 1,2 % en année pleine. Toutes ces mesures marquent notre reconnaissance envers le travail des agents publics. Elles marquent l’intérêt que nous portons tous – je n’en doute pas – au service public et à ses agents.

Dans la continuité de ces dispositions, permettez-moi de tracer quelques perspectives pour la fonction publique de demain. Dans les mois qui viennent, j’entends travailler à la construction collective de la fonction publique à l’horizon 2025. C’est une gageure, mais qui témoigne de la volonté du Gouvernement d’anticiper les mutations qui feront la France de demain : vieillissement de la population, développement du numérique, transition écologique, protection des agents publics. Il nous faut relever, tous ensemble, ces défis, et pour cela, nous devons penser un cadre nouveau.

Pour cela, j’explorerai trois pistes de réflexion. Premièrement, la réaffirmation de la laïcité comme condition d’un vivre-ensemble apaisé – ce qui fait écho aux dispositions du présent projet de loi que j’ai évoquées. Deuxièmement, l’innovation, qui doit permettre à la fonction publique de mieux s’adapter à l’évolution des attentes de nos concitoyens, et au monde qui se dessine devant nous. Troisièmement et pour finir, l’engagement des jeunes au service de l’État, qui constitue, à mes yeux, une nécessité vu la difficulté du contexte actuel.

Pour cela, nous aurons besoin d’une fonction publique qui se modernise et s’adapte en permanence ; d’une fonction publique ouverte à la diversité des talents de notre pays ; d’une fonction publique exemplaire dans la gestion de ses ressources humaines et dans le comportement de ses agents ; enfin, d’une fonction publique transparente. C’est le sens de ce projet de loi, qui témoigne de mon engagement au service de la fonction publique, de ses agents, et des citoyens qu’ils servent chaque jour.

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