Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous voici appelés, au terme de ce débat, à nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire.

Assurément, ce texte figurera parmi ceux dont le processus législatif aura été pour le moins surprenant, voire chaotique. Voici quelques rappels – toujours utiles – sur la forme. En juillet 2013, le Gouvernement dépose un premier projet de loi, qui compte 59 articles. Deux ans plus tard, en juin 2015, il décide, par la lettre rectificative dont nous avons parlé, de « recentrer le projet de loi sur l’essentiel », soit 25 articles, et d’engager la procédure accélérée. Deux ans à ce pas de tortue, puis le lièvre arrive ! Une procédure accélérée, sur un projet de loi raccourci, en attente depuis deux ans sur le bureau de l’Assemblée : il existe sans doute démarche plus cohérente !

La commission des lois se réunit alors. Notre rapporteure, que je salue car elle a réalisé un travail remarquable, ici comme en commission mixte paritaire, présente un certain nombre d’amendements et en fait approuver plus de 130, qui rétablissent – devinez quoi ! – les mesures supprimées par le Gouvernement dans sa lettre rectificative. Nous comprenons la cohérence…

Le Sénat, pour ne pas être en reste, présente 138 amendements, puis 64 en séance – ce qui, reconnaissons-le, n’a pas franchement conduit à resserrer le sujet, ni le propos. Le Gouvernement a d’ailleurs profité de l’examen du texte par le Sénat pour faire adopter quelques modifications substantielles du code de la défense qui, disons-le, ne portent pas à contestation.

Ce sont finalement 80 articles que l’Assemblée a votés. 21 ont été adoptés conformes par le Sénat. Celui-ci ayant ajouté 22 articles et en ayant supprimé 7, la commission mixte paritaire devait se réunir pour des broutilles – 81 articles restant en discussion ! La voie d’un accord a pourtant été trouvée, au prix de certaines améliorations s’agissant du statut ainsi que des conditions d’exercice et de reconnaissance des fonctionnaires des trois fonctions publiques, mais aussi de quelques renoncements bien dommageables, qui feront l’objet de ma conclusion.

Inscrire de nouvelles valeurs, comme celles de laïcité, de dignité, d’impartialité, dans le texte est certes intéressant, mais n’aurait-il pas fallu choisir entre intégrité et probité, les deux termes étant parfaitement synonymes ? Cette question n’a pas reçu de réponse en commission mixte paritaire, aussi je me permets de la poser à nouveau.

Par ailleurs, s’il est souhaitable de mieux prévenir les conflits d’intérêts, le Gouvernement est malgré tout retombé dans les mêmes écueils que ceux qu’il avait rencontrés lors des lois relatives à la transparence.

Ainsi, malgré ses apports, le texte a omis certains aspects, qui viennent d’ailleurs d’être évoqués. Je veux en particulier parler du droit ou, plutôt, du devoir de réserve.

Celui qui vous parle a été fonctionnaire pendant trente-cinq ans, et il en est fier. Il est fier d’avoir été un fonctionnaire loyal, neutre, engagé au service de l’État et de nos concitoyens que, comme tant d’autres, il a servis. Eh bien, affirmer qu’un fonctionnaire a une obligation toute naturelle de réserve, plutôt que de se retrancher derrière la jurisprudence, c’est le protéger, comme c’est le protéger que de revendiquer qu’il soit considéré par nos concitoyens comme l’égal d’un salarié du privé – je parle là des jours de carence, dont vous avez, à la suite d’un oukase de la majorité socialiste à l’Assemblée, imposé qu’ils ne fassent pas partie du deal entre les deux chambres.

Des dispositions ont été maintenues, et il faut s’en féliciter : le recours à l’intérim, que vous vouliez supprimer, mais que le Sénat a réussi à conserver ; le juge administratif dans les conseils de discipline, dont le maintien était en péril ; la prolongation du dispositif de titularisation dit « Sauvadet » jusqu’en 2018, ce qui est une bonne chose. Mais, à côté de cela, que d’occasions gâchées, avec la réintroduction de la possibilité d’appliquer une durée légale de travail inférieure à trente-cinq heures, avec les dispositions restreignant le cumul d’activités des fonctionnaires et, surtout, avec la suppression de la réintroduction de la carence : nous voulions trois jours, nous aurions pu aboutir en commission mixte paritaire à un accord sur un jour, mais l’oukase que j’ai évoqué s’est imposé, et je le regrette considérablement.

Ce texte est une série d’occasions manquées. Il y a eu des avancées positives, mais ce que vous avez refusé, alors que vous auriez pu, en faisant un effort de consensus, accepter, n’aurait pas nui à la fonction publique et aux fonctionnaires, mais les aurait au contraire servis, en leur évitant l’opprobre dont on les couvre trop souvent. Vous ne l’avez pas voulu.

Ce texte aurait pu nous satisfaire. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et c’est pourquoi le groupe Les Républicains ne le votera pas – à regret.

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