Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 6 avril 2016 à 15h00
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Le 29 novembre 2013, je me trouvais à cette même tribune, pour la première lecture d’un texte qui a nécessité pédagogie, débats et explications. Nous ne pensions pas y passer tant de temps, mais le système prostitutionnel était méconnu. En dépit de l’excellent rapport de Danielle Bousquet et de Guy Geoffroy en 2011, le travail fut plus long que prévu mais il était nécessaire de prendre le temps d’entendre les positions des uns et des autres, et d’échanger des arguments.

Après trois ans de travail parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat – et je salue la présence dans les tribunes des sénatrices qui ont défendu ce texte –, nous pouvons affirmer que ce défi a été relevé.

Aujourd’hui, je peux exprimer notre fierté. Je suis fière en tant que femme, en tant que parlementaire, en tant que socialiste.

Je suis fière en tant que femme féministe. La prostitution est avant tout une domination masculine : 99 % des clients sont des hommes et 85 % des personnes prostituées sont des femmes, Certes, il y a aussi de jeunes hommes et des transsexuels.

Je suis fière que notre proposition de loi soit équilibrée, vous l’avez dit, madame la rapporteure et monsieur le président de la commission. Elle crée les moyens de lutter efficacement contre les réseaux de proxénétisme et le marché de la prostitution. Marché très organisé dont sont victimes des milliers de femmes en France, des jeunes filles et des jeunes garçons.

Mais notre texte permet aussi de mettre en place un parcours de sortie de la prostitution et de rendre leur droit aux personnes prostituées : elles ne seront plus des délinquantes.

Enfin, il affirme clairement que pour lutter contre un commerce, contre la traite, il faut responsabiliser le client sans qui il n’y aurait pas de marché, pas de prostitution.

Je suis également fière en tant que parlementaire et présidente de la Délégation aux droits des femmes. Le parcours législatif a certes été long, mais passionnant. Le témoignage des associations et des « survivantes » a révélé aux yeux de tous qu’il n’existait pas de prostitution heureuse. Et je salue leur courage. Je salue l’une d’elle, qui est venue témoigner pour la première fois devant la commission spéciale. Cela a été difficile pour elle. Elle a bouleversé la commission. Je sais combien ce lui fut difficile : je lui dis ici combien ce fut utile.

Il n’existe pas de « métiers du sexe » ni de « prostitution choisie » : je le dis à certains de nos collègues qui emploient ces mots dans l’exposé sommaire de leurs amendements. Victime de violences, prisonnière de réseaux de traites, soumise aux contraintes économiques : on ne se prostitue que pour survivre.

Des femmes surexposées aux violences et aux risques sanitaires : tel est ce visage de la prostitution qui apparaît enfin au grand public.

Seuls quelques idéologues y voient encore une activité choisie, le plus vieux métier du monde, contre lequel il serait inutile de se battre.

Loin d’une prostitution dorée, celles qu’on appelle les escort girls ont elles aussi témoigné. Elles ont révélé agir par nécessité économique, prises dans l’engrenage, sans pouvoir s’en sortir.

Notre proposition de loi et nos débats ont permis de mettre des mots sur ces situations de souffrance et de trouver les moyens de lutter contre ceux qui encouragent le trafic de la misère.

Notre loi est l’une des avancées majeures du quinquennat : elle marquera l’histoire de cette Assemblée.

Enfin, je suis fière en tant que socialiste. Engagée à gauche, je milite et continuerai de militer contre toutes les formes d’exploitation et de domination. Je suis fière que le groupe socialiste ait défendu cette proposition de loi, fruit d’un travail qui dépasse les clivages partisans.

Je salue Guy Geoffroy qui, sous toutes les majorités, soutient ce combat, Maud Olivier, notre rapporteure, Marie-George Buffet, toujours présente à nos côtés, Eva Sas, qui défend notre proposition de loi au sein de son groupe, Charles de Courson, qui va s’exprimer, et Jacques Moignard, qui a quitté cette Assemblée mais à qui nous rendons hommage.

Cette proposition de loi, nous la devons à tout ceux qui défendent la dignité humaine, à ceux qui ne supportent plus que des hommes achètent le corps des femmes, à ceux pour qui la traite des être humains participe de l’exploitation des pauvres par les riches et pour qui on ne peut laisser fleurir cet esclavage moderne.

Le marché de la prostitution est la forme extrême du capitalisme : « Je prends, j’exploite, je fais des profits financiers. » Et la prostitution n’enrichit que les exploiteurs.

Cette prise de conscience des réalités doit être internationale. Lors de la dernière session de la Commission de la condition de la femme des Nations unies, madame la ministre, le lien a été fait, pour la première fois me semble-t-il, entre terrorisme, trafic de drogue et traite des êtres humains.

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