Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 7 avril 2016 à 9h30
Accession de la france au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu de l'otan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Aujourd’hui, l’OTAN persiste à vouloir intégrer l’Ukraine à son dispositif. L’organisation prévoit un investissement substantiel de 3 milliards d’euros, destiné à renforcer massivement sa présence militaire en Pologne et dans les pays baltes. Soutenir cette politique risque au contraire de braquer la Russie et de nous entraîner dans une spirale de démonstration de force.

En cas de conflit, notre marge de manoeuvre diplomatique sera réduite à néant. L’OTAN, véritable courroie de transmission du Pentagone, imposera sa loi.

L’OTAN n’apparaît plus comme un outil adapté dans un nouvel ordre mondial multipolaire.

Ce retour est un contresens stratégique : la réintégration totale de la France dans l’OTAN, organisation subordonnée aux objectifs politiques et stratégiques de la première puissance mondiale, phagocyte toute possibilité d’une défense européenne fondée sur l’indépendance et la sécurité collective.

Dans ces conditions, le projet de loi portant ratification du protocole de Paris n’est-il pas stratégiquement inutile et politiquement inacceptable ? L’OTAN n’apparaît pas comme l’organisation capable d’avancer vers un monde plus juste, plus solidaire et de faire progresser la paix et le désarmement. Bien au contraire, cette allégeance vis-à-vis de l’OTAN enferme la pensée géopolitique et stratégique française dans le carcan d’une vision culturaliste de l’état du monde largement fondée sur le choc des civilisations.

Quand les dirigeants français se cantonnent au constat d’un panorama mondial chaotique et menaçant, ils ferment la porte à tout espoir de paix. Dans un monde multipolaire, la communauté internationale attend tout autre chose de notre diplomatie : une parole souveraine, libre et indépendante de la France en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Définir une politique extérieure progressiste nécessite d’interroger les causes des bouleversements qui traversent notre monde pour agir sur elles : sur les causes de l’aggravation de la crise socio-économique, de l’affaiblissement et de l’effondrement des États, de la résurgence de la montée des nationalismes et des intégrismes, des guerres, des attentats et du fanatisme qui entraînent des migrations comme celles que nous connaissons aujourd’hui.

Transformer la nature même des relations internationales et soutenir les mouvements émancipateurs des sociétés pourraient constituer les deux axes d’une politique extérieure progressiste. Nous émanciper, en commençant par sortir de l’OTAN, nous permettrait de repenser librement nos politiques de partenariats, d’investissements et d’aide publique au développement, indépendance qui nous permettrait d’être à l’initiative d’audaces politiques dont le monde a besoin aujourd’hui.

Aux alliances bellicistes, nous opposons les Nations Unies. L’organisation internationale doit plus que jamais s’affirmer comme instance suprême de médiations et de règlement des conflits internationaux.

Cette action permettrait de promouvoir l’avènement du multilatéralisme et la démocratisation de l’ONU, garante de notre sécurité collective, par la promotion de sa Charte et de ses principes fondateurs : la prévention des conflits par le traitement prioritaire des injustices sociales et économiques ; la résolution politique des conflits ; la promotion universelle des droits sociaux, écologiques et démocratiques ; la défense des biens communs de l’humanité ; la promotion des libertés fondamentales, dont la liberté de circulation ; la solidarité devant les grands défis climatiques et écologiques de notre siècle. Tant de principes dont s’exonère l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui apparaît de plus en plus comme la gardienne de la civilisation occidentale.

Prendre au contraire position pour l’émergence d’espaces régionaux inclusifs de coopération et de sécurité collective, sous supervision de l’ONU, honorerait la diplomatie française. Car au fond, mettre en oeuvre une politique de paix, c’est avant tout combattre les humiliations, les inégalités, les injustices et les fanatismes religieux. C’est vouloir apporter « une contribution à la transformation du mode d’existence de l’humanité ».

Ce projet de loi ne nous y conduit pas. Vous avez indiqué, madame la secrétaire d’État, qu’il était exclusivement technique je ne le crois pas. C’est la raison pour laquelle, fidèles à nos positions comme aux valeurs de progrès et d’émancipation, les députés communistes et du Front de gauche voteront contre la ratification du protocole de Paris.

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