Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 7 avril 2016 à 9h30
Accession de la france au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu de l'otan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui invitée à autoriser l’accession de la France au protocole de Paris, qui avait été dénoncé en 1966, lorsque la France avait quitté le commandement intégré de l’OTAN.

Ce protocole ne comporte en tant que tel aucune difficulté particulière et mon groupe, dans une très large majorité, y est favorable. Il complète la convention de 1951 sur le statut des forces armées envoyées sur le territoire d’un autre État partie, en définissant le statut des quartiers militaires interalliés, ainsi que la protection juridique accordée à leurs personnels civils et militaires.

Il s’agit là de procédures purement administratives de simplification, auxquelles sont déjà soumis les personnels français en poste dans les quartiers généraux de l’OTAN. Ce texte n’a donc aucune incidence sur les principes ni sur les modalités actuelles de la participation de la France à l’Alliance atlantique.

Cependant, il constitue un véhicule privilégié pour des arguments qui en contestent le bien-fondé. De fait, un certain nombre d’entre nous sur ces bancs, dans la majorité comme dans l’opposition, sont hostiles au retour de la France dans le commandement intégré.

Pour ma part, je ne partage pas cette défiance. La nécessité d’adapter notre pays aux évolutions du monde de l’après-guerre froide a été le moteur principal du rapprochement avec certains organes intégrés de l’OTAN, engagé, dans les faits, dès 1990. En 1995, la démarche de réintégration initiée par Jacques Chirac s’est heurtée à l’inflexibilité des États-Unis. Et c’est finalement Nicolas Sarkozy qui, en 2009, a mené cette réintégration à son terme.

Cette décision était alors justifiée ; elle l’est encore pleinement au moment où nous débattons de l’accession au protocole de Paris, et il est prévisible qu’elle le restera dans l’avenir.

De fait, quitter le commandement intégré en 1966 avait du sens. Mais ne pas y être en 2016 n’en aurait pas. Ne pas être dans le commandement intégré, ce serait accepter une moindre influence de la France au sein de l’OTAN. Or, pour exercer sa souveraineté dans un monde multipolaire, la France doit se donner les moyens d’influer sur les décisions prises en commun, pour les cas où la coordination est de mise.

Les conditions dans lesquelles le retour dans le commandement intégré a eu lieu permettent, me semble-t-il, de tirer le meilleur parti de cette situation où la France a véritablement une carte à jouer.

En effet, cette position nouvelle dans l’OTAN donne à notre pays un rôle-clef, dans la construction de l’interopérabilité de demain. La France peut être motrice, notamment à travers le C2, et en tirer avantage, sur le plan militaire comme pour la consolidation de sa base industrielle et technologique. Plutôt que d’être absorbée par l’OTAN, elle peut peser pour irriguer le système OTAN avec sa culture, avec sa vision du monde et son approche européenne.

Le Commandement suprême de la transformation, exercé depuis 2009 par un général français – le général Abrial, puis le général Palomeros, et désormais le général Mercier – est à cet égard un atout considérable, qu’il nous faut exploiter à fond.

Les moyens d’exercer cette influence au mieux des intérêts de la France ont été très bien rappelés, d’abord dans le rapport Védrine de 2012, puis, tout récemment, dans le rapport de nos collègues Philippe Vitel et Gilbert Le Bris. Nous savons ainsi précisément sur quels points il faut appuyer, en termes de doctrine comme en termes techniques. Nous connaissons également les principes sur le fondement desquels notre pays est revenu dans le commandement intégré. Et il nous appartient d’être extrêmement vigilants quant à la préservation de ces principes.

Cependant, l’indépendance de la politique étrangère française dépend moins des modalités de sa participation à l’OTAN que de la capacité du président de la République à tracer une voie conforme à l’intérêt national et à la vision que doit défendre notre pays.

On peut regretter que cette voie n’ait pas été trouvée par François Hollande pour le traitement du dossier syrien. Lui qui n’avait pas de mots assez forts pour condamner en 2009 le retour de la France dans le commandement intégré a préféré dans un premier temps un alignement hasardeux sur la politique américaine, qui, en fin de compte, a mis notre diplomatie hors-jeu – je rejoins sur ce point notre collègue communiste. Non seulement notre parole a été affaiblie sur le plan régional, mais nos relations se sont encore dégradées avec la Russie, à qui le Président de la République a obstinément refusé de parler, lorsque notre famille politique, et en particulier François Fillon, l’y incitait. L’intérêt du Président Chirac pour une réintégration ne l’avait pas empêché, bien au contraire, de faire entendre une voix conforme à notre tradition diplomatique en 2003, en appelant à éviter l’intervention militaire en Irak.

Prenons garde, donc, de nous tromper de combat ; prenons garde d’oublier que l’intérêt de la France n’est pas de se tenir dans un écart dogmatique avec l’OTAN, mais de travailler à un rééquilibrage avec l’Union européenne. Les dangers qui menacent l’Europe sont autant d’alertes qui nous pressent d’avancer vers la mise en oeuvre de ce projet fondamental pour notre existence future.

En ce moment même, au Sahel, on peut voir comme la tâche est ardue. De fait, l’invocation du 7. de l’article 42 du traité sur l’Union européenne par le Président de la République, le 16 novembre dernier, à Versailles, est restée lettre morte. Sa tournée des capitales européennes n’a visiblement pas suffi à convaincre nos partenaires d’un engagement à la hauteur des enjeux. En définitive, on peut douter qu’il ait mis tout son poids dans la balance, alors qu’il aurait dû justement être très offensif.

Sur le terrain, la France est seule en première ligne pour sécuriser un territoire grand comme l’Europe, dont la stabilité engage pourtant la sécurité de tous les États membres, et au-delà. L’apport des États européens est homéopathique…

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