Intervention de Gérard Charasse

Séance en hémicycle du 7 avril 2016 à 9h30
Statut des autorités administratives indépendantes créées par la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi adoptée par nos collègues sénateurs et visant à faciliter la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie.

À l’invitation de Mme la ministre des outre-mer lors des débats sur la loi organique du 5 août 2015 relative à la consultation pour l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, deux textes ont été déposés en parallèle sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’un était adopté à l’unanimité par les députés, le 26 novembre 2015, tandis que la proposition de loi sénatoriale de Mme Catherine Tasca l’était tout autant le 18 novembre 2015.

Un dispositif presque identique, sauf quelques différences rédactionnelles, ayant été voté par les deux chambres, le Gouvernement a choisi d’inscrire la proposition de loi sénatoriale à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin d’achever la procédure législative et de permettre l’entrée en vigueur le plus rapidement possible de ses dispositions. Aussi, je reprendrai les développements exposés par mon collègue Alain Tourret à l’occasion de l’examen en novembre de la proposition de loi de Philippe Gomes.

Ce texte vise à répondre aux difficultés liées au coût de la vie et au surcoût des prix des biens de consommation dans les outre-mer par rapport à la métropole. À l’occasion de l’examen, en octobre 2015, du projet de loi de modernisation du droit de l’outre-mer, qui comporte des mesures pour lutter contre la vie chère, nous avions insisté sur la nécessité de prendre en compte la spécificité des territoires ultramarins, afin de faire baisser les prix des produits, dont la plupart sont importés.

En outre, en Nouvelle-Calédonie, l’étendue de l’offre en matière de biens de consommation est limitée. En effet, le secteur économique de la Nouvelle-Calédonie est contraint, et la concurrence en matière de fourniture de biens et services amoindrie. En 2012, l’Autorité de la concurrence notait que pour le grand Nouméa, deux seuls groupes, Bernard Hayot et Kénu-In, détenaient plus de 80 % des parts de marché en surfaces de vente. Cette absence de concurrence entraîne une hausse des prix et des marges, qui pourrait être atténuée par la mise en place d’une autorité de la concurrence à Nouméa.

Or, les dispositions actuellement applicables en Nouvelle-Calédonie, en particulier le régime des incompatibilités, rendent impossible le recrutement de candidats. L’article 22 de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 a donné compétence à la Nouvelle-Calédonie en matière de réglementation des professions commerciales, de consommation, de concurrence et de répression des fraudes, de droit de la concentration économique, de réglementation des prix et d’organisation des marchés. En revanche, les autorisations d’ouverture de magasins de la grande distribution dépendent des provinces néocalédoniennes.

Le droit calédonien de la concurrence a certes été rénové : le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté la loi du pays du 14 février 2014 relative aux livres III et IV de la partie législative du code de commerce applicable sur son territoire. Cette loi contenait un arsenal juridique permettant la mise en place d’un marché plus concurrentiel, réprimant enfin les comportements anticoncurrentiels, et facilitant le passage d’un contrôle administratif des prix à une surveillance renforcée de la fixation de ces prix.

Toutefois, le principe de liberté de fixation des prix comporte deux exceptions. La première est le régime de la « liberté surveillée », les prix devant être déposés auprès du service compétent du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au moins quinze jours avant leur entrée en vigueur. La seconde est le régime de la « liberté contrôlée », en vertu duquel les prix sont soumis à l’accord préalable du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Quant au contentieux judiciaire de l’autorité de la concurrence, celui-ci est confié à la cour d’appel de Paris, compétente pour connaître du contentieux de l’autorité nationale de la concurrence. Les peines d’emprisonnement pour les pratiques anticoncurrentielles interdites par le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie sont les mêmes que celles applicables en métropole.

Or, dans un avis rendu le 22 novembre 2009, le Conseil d’État a précisé qu’il n’existait aucun obstacle constitutionnel à la création par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie d’autorités administratives indépendantes, sur le modèle de ce qui a été reconnu à la Polynésie en août 2011 par la modification de l’article 30-1 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

En l’état, les dispositions applicables à la Nouvelle-Calédonie en matière de recrutement des membres des autorités administratives indépendantes interdisent tout cumul avec un autre emploi public, et empêchent le recrutement du personnel suffisant pour la création d’une AAI.

Selon les rapporteurs des deux propositions de lois, si cette incompatibilité se justifie pour la fonction de président ou de rapporteur d’une autorité administrative indépendante, des difficultés se posent pour les autres membres, qui ne peuvent se voir attribuer des postes que par de simples vacations. Cela bloque la création d’une AAI de la concurrence en Nouvelle-Calédonie.

Offrir au gouvernement de Nouvelle-Calédonie la possibilité de créer une autorité administrative indépendante permettrait de conférer un réel statut à ses membres et d’instaurer ainsi une activité concurrentielle libre et non faussée, libérée de tout monopole ou entente commerciale sur le territoire néo-calédonien.

Il est proposé de rendre compatible l’exercice de la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante calédonienne avec un emploi public, dès lors que ledit membre n’est pas placé sous l’autorité des institutions ou communes de la Nouvelle-Calédonie.

En effet, en l’état actuel des dispositions de l’article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, « la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation ».

Le texte prévoit aussi que la fonction de président ou de membre d’une AAI est incompatible avec l’exercice, dans les trois années précédant sa nomination, d’un mandat électif, ou la détention, de manière directe ou indirecte, d’intérêts dans les entreprises du secteur régulé.

En revanche, il est prévu que la fonction de président des AAI reste incompatible avec l’exercice d’un emploi public au sein des institutions de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que leurs établissements publics, mais aussi avec tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité.

Aussi et parce que ce texte va dans le sens d’une concurrence plus efficace des marchés en Nouvelle-Calédonie, parce qu’il est nécessaire de donner aux autorités administratives indépendantes les moyens de se mettre en place et d’agir sur les territoires, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte.

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