Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 6 avril 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Je vous remercie pour votre accueil dans cette commission. Je salue le travail et l'attention que cette commission porte à ce sujet particulièrement grave. Je sais qu'elle a déjà beaucoup travaillé, qu'elle n'a pas encore pris certaines décisions mais qu'elle y réfléchit. J'ai le sentiment que nous sommes en train de faire se rapprocher des raisonnements et des exigences qui vont toutes vers le même objectif : sauvegarder notre secteur agricole, notre tissu de transformation, notre outil de production et notre tissu économique. Je veux remercier M. Damien Abad pour l'excellent travail qu'il a fait à partir de cette modeste proposition de loi. Je voudrais rester au niveau des réflexions générales parce que le travail technique est remarquablement bien fait ici, au sein de la commission des affaires économiques.

Depuis 1970, une révolution d'une violence et d'une ampleur sans précédent a bouleversé les rôles, le droit et les perspectives de chacun des acteurs. En ces quelques décennies, la distribution est devenue le maître de toute la chaîne. Cela est allé probablement beaucoup plus vite que nos capacités à adapter notre société à ce bouleversement, avec des conséquences économiques et sociales majeures. J'invite votre commission à réfléchir à cette bascule qui a fait passer du côté de la consommation tant et tant de choses et qui a fait peser sur la production tant et tant de charges. Pendant ce temps-là, nous n'avons rien changé quant à notre système de prélèvements sociaux ou fiscaux. Je mène, depuis longtemps, un combat pour conduire une réflexion sur ces questions. Au moment où certains font remarquer, à juste titre, que le consumérisme frénétique que la grande distribution promeut a des effets sur le développement durable et l'environnement, il serait de bon ton de réfléchir à ce qui est en train de se passer dans notre société. Cette proposition de loi prend acte des derniers dérapages qui sont survenus dans la distribution. Dans les années 1970, il y avait 170 enseignes importantes. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 9. Et, depuis 2014, il n'y a plus que 4 centrales d'achat qui correspondent à 90 % du marché. Ces centrales d'achat et les grandes enseignes se livrent une guerre des prix qui est délétère pour l'avenir économique et social national. La déflation fait des dégâts terribles. Le temps est venu d'essayer de desserrer l'étau dans lequel se trouvent nos agriculteurs, nos transformateurs et les PME. Ces dispositions sont urgentes quand on voit le résultat des négociations pour 2016 qui ont été d'une brutalité et d'une violence sans précédent. Les exigences de la grande distribution sont effrayantes et ne sont pas sanctionnées. On observe des demandes d'avantages exigés auprès des fournisseurs par les acheteurs, avec des financements en tout genre en matière de logistique, de politique commerciale, de mise en place des produits dans les rayons et de publicité. On observe aussi une montée en puissance de la manne financière pour la distribution des pénalités de retard de logistique. Par exemple, il y a dix ans, le distributeur demandait 2 % du chiffre d'affaires livré pour une journée de retard. Aujourd'hui, ces demandes peuvent atteindre 10 % pour une heure, 15 % pour deux heures et 25 % pour trois à cinq heures. En face de cela, il y a la faiblesse de toute une chaîne qui représente pourtant le coeur de l'emploi dans notre pays. C'est pour toutes ces raisons qu'il convient de mieux définir l'abus de dépendance économique afin que les tribunaux puissent enfin sanctionner des dérapages de la part de ceux qui ont pouvoir de vie ou de mort sur des entreprises et des centaines d'emplois.

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