Intervention de Lorelei Limousin

Réunion du 30 mars 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Lorelei Limousin, responsable des politiques climat-transports du Réseau action climat France, RAC France :

Le Réseau action climat fédère seize associations nationales comme Greenpeace, les Amis de la terre, ou le CLER, réseau pour la transition énergétique. Nous sommes membres de la fédération Transport et Environnement comme une cinquantaine d'ONG qui travaillent sur la question des transports, aux côtés notamment de France nature environnement.

Nous suivons tout particulièrement les dossiers et les réglementations européennes qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports – ce secteur est le premier émetteur en France, et il n'est pas loin de l'être également en Europe.

Environ six mois après le déclenchement du scandale Volkswagen, nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'en tirer des enseignements devant vous. Les ONG internationales, comme Transport et Environnement (T&E) ou International council on clean transportation (ICCT), avaient lancé de nombreuses alertes. En France, nous avions fait de même avec nos petits moyens. Nous dénoncions tous l'écart croissant entre les émissions réelles de CO2 et de polluants atmosphériques, et les chiffres officiels des tests d'homologation.

Cet épisode a permis de mettre à jour les failles et les lacunes du système de tests d'homologation européen. Il est frappant de constater que, sans l'agence gouvernementale américaine de l'environnement, la United States Environmental Protection Agency (EPA), l'affaire n'aurait probablement pas éclaté. Nous ne serions toujours au courant de rien. Il nous semble en conséquence utile que l'Union européenne s'inspire de modèles étrangers d'homologation, comme celui des États-Unis qui fonctionne manifestement mieux que le nôtre.

Le Réseau action climat est évidemment très attaché à la mise en place de normes et de réglementations contraignantes afin de diminuer les émissions de polluants et de CO2 des véhicules. Il faut respecter nos objectifs à l'horizon de 2020, de 2030, et au-delà, mais il faut que ces normes s'appliquent et soient véritablement effectives. Des tests en conditions réelles de conduite, les tests RDE, seront bientôt pratiqués au niveau européen pour mesurer les émissions de polluants atmosphériques. Nous connaissons maintenant leur pertinence : ils pourront nous fournir des données qui se rapprocheront davantage de la réalité que celles dont nous disposions jusqu'à maintenant. Malheureusement, ces tests ne seront pas mis en place pour contrôler les émissions de CO2, dont nous savons qu'elles sont beaucoup plus élevées que les valeurs d'homologation recueillies en laboratoire. Sachant combien la mise en place de ces tests est longue et complexe, nous préconisons de commencer dès aujourd'hui à nous acheminer vers leur généralisation à l'ensemble des émissions polluantes. M. François Cuenot pourra faire un point sur ce sujet tel qu'il est traité dans le cadre du partenariat avec PSA.

Au-delà de la mise en oeuvre du nouveau cycle de conduite automobile WLTC, du protocole WLTP, pour Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures, et du test RDE portant sur les NOx, il nous semble essentiel de procéder à une refonte du système de tests d'homologation. La Commission européenne a présenté, le 27 janvier dernier, une proposition en ce sens. Nous la saluons, même si elle n'est pas parfaite. Elle permettra de mettre en place un système de tests plus fiable et plus indépendant, qui responsabilisera davantage les services techniques et administratifs.

Vous connaissez les biais du système de tests en vigueur. Ils tiennent notamment aux liens financiers qui unissent les laboratoires et les constructeurs, à l'absence totale de tests de conformité sur les véhicules en circulation, et à celle d'un contrôle indépendant effectué par des autorités nationales d'homologation. La Commission propose en conséquence de procéder elle-même à des contrôles a posteriori sur des véhicules déjà en circulation, mais aussi de se donner la possibilité, en cas de non-conformité aux valeurs d'homologation, d'imposer des amendes pouvant aller jusqu'à 30 000 euros par véhicule à l'encontre des services techniques auxquels sont délégués les tests, mais aussi des constructeurs.

Les propositions de la Commission visent à rendre les services techniques d'homologation plus responsables et plus indépendants. Les frais versés par les constructeurs pour l'homologation seront centralisés par les autorités nationales. Ainsi, la présence d'un intermédiaire garantira une plus grande indépendance. Les services techniques seront aussi soumis à des normes plus exigeantes, et ils seront audités régulièrement. En revanche, nous regrettons que la Commission n'ait pas choisi d'imposer des contrôles et des audits aux autorités nationales d'homologation : elles ne seraient soumises qu'à un examen par les pairs au sein d'un forum.

Les autorités nationales et la Commission européenne devront effectuer des tests supplémentaires sur les véhicules déjà sur le marché et en circulation. S'ils ne sont pas concluants, les véhicules pourront être retirés du marché par la Commission et par les États membres.

La Commission pourra surveiller le marché elle-même par l'intermédiaire de son centre de recherche, le Joint research center. Dans ce cadre, les constructeurs seront tenus de présenter les logiciels embarqués – j'avoue que j'ignore si cela permettra d'éviter l'usage de logiciels fraudeurs.

Selon nous, la proposition de la Commission européenne doit être renforcée à trois niveaux.

La Commission devrait exercer une surveillance accrue des autorités nationales d'homologation. Il faudrait qu'elle ait accès au certificat des véhicules et qu'elle puisse tester à nouveau des modèles qui l'ont déjà été. Si elle constate des lacunes dans le travail des agences nationales, nous suggérons, avec T&E, qu'elle leur retire le droit de certifier des véhicules.

Afin de rompre véritablement le lien financier entre les constructeurs, les services techniques, et les services administratifs, le système d'homologation et les tests de la Commission européenne pourraient être financés par une taxe prélevée sur les ventes de véhicules par les constructeurs, qui serait versée à un fonds dédié.

Nous pensons que les tests a posteriori sur les véhicules en circulation devraient être obligatoires. Il ne suffit pas d'affirmer que les autorités nationales d'homologation ont la possibilité de les effectuer ; elles devraient obligatoirement tester un nombre minimal de nouveaux modèles tous les ans, et il faudrait aussi prévoir des tests supplémentaires après un certain nombre de kilomètres parcourus. Ces tests utiliseraient le protocole RDE bientôt disponible.

Évidemment, l'accès à toutes les informations liées à la certification des véhicules devra être libre. Les autorités nationales d'homologation doivent pouvoir échanger de l'information, mais, idéalement, celle-ci devrait être publique.

J'ai pris de temps de présenter nos préconisations car le débat européen commence à peine. La Commission vient de présenter sa proposition, le Parlement se prépare à se saisir du sujet, et l'on imagine que le sujet donnera lieu à une âpre bataille au sein du Conseil !

Il ne faut pas manquer l'opportunité qui se présente à nous de mettre en place un système de vérification et de contrôle des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques par les véhicules.

En matière de réglementations et de normes, il nous faut s'interroger sur l'après 2020. Une norme d'émission de CO2 s'applique jusqu'en 2021, et l'on sait que la norme Euro 6 ne sera pas respectée après 2020 puisque les autorités européennes ont approuvé un facteur de conformité – les émissions de NOx pourront dépasser la norme de 50 %. Il nous semble en conséquence essentiel de mettre en place, après 2020, des réglementations plus ambitieuses dans le cadre du paquet énergie-climat 2030.

Pour que l'objectif de 40 % de réduction des gaz à effet de serre soit atteint à cette date, il faut fixer au secteur des transports un objectif ambitieux qui ne sera atteint que si des réglementations sont mises en place avant cette échéance. Nous recommandons en conséquence de prévoir un objectif d'émission de CO2 par kilomètre pour 2025 pour les véhicules légers afin de laisser aux constructeurs le temps nécessaire pour sortir de nouveaux modèles.

La stratégie nationale bas-carbone qui découle de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte prévoit la généralisation des véhicules consommant 2 litres aux 100 kilomètres d'ici à 2030 pour les véhicules neufs, ce qui équivaut peu ou prou à une émission de 50 grammes de CO2 par kilomètre. La mise en place d'un objectif 2025 au niveau européen se situe dans le prolongement de nos objectifs nationaux de développement de véhicules à plus faible émission d'ici à 2030. Ce sujet sera notamment à l'ordre du jour du conseil informel des ministres des transports de l'Union européenne, au mois d'avril prochain. Nous espérons qu'il fera l'objet d'une communication de la Commission européenne en juillet 2016.

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