Intervention de Jean-Luc Taltavull

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Luc Taltavull, secrétaire général adjoint du SCPN :

Les centaines de commissaires avec lesquels nous sommes en lien nous ont transmis de leur propre initiative ou sur demande des informations concernant la coordination avec la force Sentinelle qui ont évolué au fil du temps. La première phase s'est caractérisée par une certaine instabilité, voire des difficultés, et pour cause : les services de police n'ont pas, en temps normal, de contacts à cette échelle avec les forces armées. En janvier et plus encore en novembre, les patrouilles ont été déployées dans un contexte où il fallait déterminer si d'autres commandos s'apprêtaient à commettre des tueries çà et là. En pratique, certaines patrouilles militaires dynamiques ont été déployées sans que les commissaires et les préfets compétents dans la zone concernée en aient été avisés. À cette phase initiale, au cours de laquelle certains de nos adhérents ont eu le sentiment que l'on mettait la charrue avant les boeufs en dispersant des patrouilles sans leur donner de but précis ni les coordonner avec les forces de police, a succédé une deuxième phase où, hormis quelques cas particuliers où les chefs de patrouille négligent d'informer l'ensemble des forces de police et de gendarmerie compétentes d'une relève, les informations qui nous remontent sont très élogieuses, au point d'être parfois préoccupantes : en province, certains collègues nous indiquent qu'ils ne pourraient pas fonctionner sans l'appoint de la force Sentinelle, laquelle exerce des gardes statiques qui relevaient auparavant des forces de police – et qui leur reviendront peut-être un jour, à moins qu'elles ne soient confiées à des sociétés de sécurité privées. Dans ce domaine, en effet, aucune piste n'est à exclure car, selon l'ensemble des experts compétents, la problématique du terrorisme devrait durer vingt-cinq à trente ans ; il nous faut donc bâtir des réponses pérennes.

En clair, le degré de coordination est satisfaisant à ce stade. Des interrogations persistent quant à ce que les militaires prévoient désormais en termes d'articulation de leurs interventions. Le 13 novembre, des soldats de la force Sentinelle se trouvaient à proximité du Bataclan : un gradé de la BAC, parvenu à l'issue de secours, leur a demandé d'intervenir, ce à quoi ils ont répondu qu'ils n'avaient pas reçu d'ordres en ce sens ; il va de soi qu'ils n'ont pas non plus prêté leur arme, un Famas, aux policiers. Sans doute y a-t-il là une marge d'amélioration des modes d'intervention. Nombreux sont nos collègues qui, le soir même du 13 novembre, se sont présentés spontanément à leur commissariat alors qu'ils étaient en congé ou en récupération – comme l'ont également fait les secouristes – pour se mettre à disposition du plus gradé. L'un de nos commissaires a ainsi pu cheminer dans le passage Saint-Pierre Amelot avec une unité de marche composée d'éléments hybrides. À l'époque, l'articulation avec les militaires était impossible, car elle n'avait pas été pensée en amont. Des travaux en ce sens ont été entrepris, et nous espérons qu'ils se traduiront par l'adoption de mécanismes de mise à disposition et d'identification du commandant opérationnel.

Le mécanisme de remontée des informations provenant du dépôt de mains courantes a été affiné dès avant les attentats à mesure que montait en puissance le dispositif de suivi de la radicalisation. L'objectif est d'encadrer la multitude de constats locaux provenant de responsables d'établissements scolaires ou de travailleurs sociaux selon lesquels une personne en voie de rescolarisation, par exemple, aurait soudain interrompu tout contact. Avec la création de la plateforme nationale d'appels de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), le processus a été formalisé. Quant aux mains courantes, elles donnent lieu à un compte rendu écrit lorsque la personne s'est déplacée en personne ou, s'il s'agit d'un appel téléphonique à la plateforme de l'UCLAT, à un message transmis au service de renseignement territorial local à qui il appartiendra de contacter la personne en question afin de prévoir un entretien. Dans un deuxième temps, des mesures plus ou moins discrètes et poussées pourront être prises : nous disposons désormais d'un fichier digne de ce nom et d'outils de travail plus adaptés.

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