Intervention de Jean-Luc Taltavull

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Luc Taltavull, secrétaire général adjoint du SCPN :

S'agissant de la judiciarisation des personnes revenant d'un théâtre d'opérations terroristes, la première des difficultés consiste à fournir la preuve des actes commis. Certaines personnes se rendent dans les pays en question en tant qu'authentiques travailleurs humanitaires ou journalistes, voire parlementaires : il n'est donc pas aisé de définir l'infraction pour discriminer entre tous ces cas. Selon nos collègues, une infraction manque néanmoins à notre dispositif juridique : il serait opportun d'adapter à la détention d'un important volume d'images d'actes faisant l'apologie de la violence le même régime qui fonctionne très bien en matière de pédophilie. En effet, la détention d'images pédophiles constitue une infraction, mais pas celle de plusieurs dizaines de giga-octets d'images d'égorgements que l'on montre à tous les copains de l'immeuble. Cette demande nous est transmise de manière régulière, et je vous la livre telle quelle, en attendant que nous la formalisions.

L'ouverture d'une instruction judiciaire pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ou pour entreprise individuelle de terrorisme repose la question de la judiciarisation du renseignement. Certes, nos liens officiels avec les services de renseignement syriens sont quasi inexistants, mais nous recueillons tout de même des éléments via d'autres capteurs. Tous ces éléments sont couverts par le secret défense et le code de procédure pénale ne prévoit pas de les exploiter dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le mode de transformation de ces éléments d'information en preuves judiciaires reste donc à bâtir. En effet, il arrive souvent que des renseignements recueillis au moyen d'interceptions téléphoniques couvertes par le secret défense ne puissent être versés au dossier d'un procès contradictoire. De ce point de vue, la perquisition administrative, souvent décriée et qui a fait l'objet de tant de fantasmes, a au moins eu le mérite de lever des doutes sur des individus signalés via la plateforme de signalement, en contact avec des milieux salafistes et ayant par exemple mentionné leurs caches d'armes lors de conversations téléphoniques. En l'état actuel du droit, aucune procédure judiciaire ne permet d'aller vérifier ces éléments au domicile des intéressés, sauf à trouver un prétexte ou à ce qu'ils soient interpellés en compagnie de trafiquants de stupéfiants, par exemple. De même, les quelque 80 assignations à résidence encore en cours ont bien des défauts et ne concernent pas le haut du spectre des suspects, mais elles ont au moins le mérite de permettre la géolocalisation – une géolocalisation du pauvre, en quelque sorte – d'individus qui, en dépit de leurs protestations outrées dans les médias, ont passé la nuit du 13 au 14 novembre à se féliciter des attentats par téléphone. Ces personnes sont tenues de pointer trois fois par jour, et tout manquement déclenche immédiatement un mécanisme d'alerte. Peut-être pourrait-on s'en inspirer en fixant la date et l'heure des contrôles judiciaires, afin de tenir compte de la charge de travail des services.

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