Intervention de Jean de Maillard

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean de Maillard, membre associé de FO Magistrats :

La position exprimée par le Syndicat de la magistrature n'est pas une synthèse de deux conceptions extrêmes, mais la reprise, sous une autre forme, de ce que nous avons dit. Il est évident, pour nous, que ce n'est pas dans 178 TGI que doit être traitée la question du terrorisme ou de la criminalité organisée. Une « filiarisation » est nécessaire, mais nous estimons qu'il faut aller beaucoup plus loin. En effet, le terrorisme lui-même doit être compris comme une menace parmi d'autres, articulée avec d'autres menaces et indissociable d'elles, même si chacune d'entre elles a ses spécificités. Lorsque Daech vend du pétrole, des objets archéologiques ou alimente des réseaux de traite des êtres humains, qu'il y a des trafics d'armes, de drogue ou de contrefaçons et que tout cela alimente, à différents niveaux, le terrorisme, il est contre-productif et inefficace de dissocier la lutte contre le terrorisme de la lutte contre les autres menaces.

Or la question des moyens fait ressurgir la totalité de la problématique de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, qui n'est pas prise au sérieux, en dépit de toute l'agitation produite. Même si l'on a mis, paraît-il, 800 millions d'euros sur la table et que l'on a promis des centaines, voire des milliers de créations d'emplois, on s'aperçoit, en réalité, qu'il n'y a ni doctrine ni méthodologie, et que les services sont défaillants. Même si nous pensons, bien entendu, que le rôle de la magistrature consiste également à produire des procédures de qualité qui respectent les droits fondamentaux des personnes, nous estimons – et c'est peut-être sur ce point que nous nous séparons du Syndicat de la magistrature – que le problème ne réside pas tant dans le contrôle de ces procédures que dans le fait que la justice ait été mise hors-jeu dans la lutte contre ces nouvelles menaces. Cette mise hors-jeu, qui a débuté il y a longtemps, a été consacrée par la loi sur le renseignement et sera définitivement acquise avec la loi sur le terrorisme, qui élimine le juge d'instruction, confie au parquet des pouvoirs qu'il n'est pas en mesure d'exercer et soulève, du reste, la question de la conformité du ministère public aux critères de la Cour européenne des droits de l'homme.

Il ne s'agit donc pas uniquement d'une question de moyens. La centralisation souligne le problème de l'absence de méthodologie. Je terminerai par une comparaison des situations française et italienne. Les Italiens, qui ont été confrontés dans les années 1980 et 1990 à des phénomènes d'une extrême violence, qu'il s'agisse du terrorisme rouge ou du terrorisme noir, sont familiers de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Or, aujourd'hui, ils n'ont pas affaire au terrorisme auquel nous devons faire face. Je ne sais pas dans quelle mesure cette situation est due à la qualité de leur justice et de leur police, mais on peut penser que l'existence de directions antimafia dans les tribunaux de district et d'un parquet national antimafia – chargé de réaliser la coordination qui vous préoccupe à juste titre, monsieur le rapporteur – a contribué à créer une culture du renseignement qui permet aux magistrats d'agir de façon stratégique et proactive. Voilà ce qui manque au système français !

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