Intervention de Jean de Maillard

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean de Maillard, membre associé de FO Magistrats :

Le problème, pour FO Magistrats, n'est pas tant celui de la peine extrême – qui, comme la déchéance de nationalité, aurait sans doute très peu d'occasions de s'appliquer – que celui des peines de durée moyenne. Vous rappeliez, monsieur le rapporteur, que les peines prononcées pour association de malfaiteurs étaient en moyenne de six ou sept ans d'emprisonnement. Or il faut savoir que, dans notre système, l'érosion des peines est telle qu'une personne condamnée à six ans d'emprisonnement est, dès l'entrée en détention, « conditionnable » à partir d'environ deux ans, compte tenu des réductions de peines automatiques qui lui seront accordées.

Nous pensons, de manière générale, que l'échelle des peines telle qu'elle a été fixée lors de la réforme du code pénal est insuffisante, en particulier en matière de criminalité organisée et de terrorisme. De fait, en matière correctionnelle, le plafond est de dix ans, c'est-à-dire qu'en pratique une personne condamnée à cette peine maximale n'effectuera, pour les raisons que je viens d'indiquer, qu'une peine d'emprisonnement d'environ cinq ans, ce qui nous paraît extrêmement insuffisant pour des faits relevant de la criminalité organisée notamment.

Les plafonds devraient donc être rehaussés, d'autant plus que, dans ces domaines-là, la correctionnalisation est importante, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, beaucoup de dossiers terroristes sont traités en association de malfaiteurs. En effet, la plupart du temps, les terroristes ne sont plus présents pour assister à leur procès, qui n'a donc pas lieu. En revanche, ils peuvent être arrêtés, jugés et condamnés lorsqu'on a agi préventivement ; c'est pourquoi la majeure partie des affaires de terrorisme sont des affaires correctionnelles. Ensuite, la correctionnalisation peut intervenir – même si c'est sans doute moins le cas en matière de terrorisme – pour des raisons qui tiennent à la gestion des flux. En effet, la justice n'étant pas en mesure, comme l'a indiqué mon collègue de l'USM, de tout assumer, elle préférera correctionnaliser certaines affaires, y compris peut-être des affaires de terrorisme.

Mais notre préoccupation est ailleurs. Vous avez évoqué, Monsieur le président, la question de savoir ce que l'on fait des personnes qui sortent de prison après avoir purgé leur peine. La dangerosité de certaines d'entre elles n'est pas forcément moindre, quels que soient les efforts qui ont pu être été faits, car notre système pénitentiaire n'est certainement pas en mesure aujourd'hui de garantir la réinsertion des anciens détenus. Il s'agit donc d'une réelle préoccupation, et nous pensons que ce débat devrait être ouvert sans exclusive, ni crainte, ni honte. Les nombreuses discussions suscitées par les infractions de violences sexuelles commises par des personnes ayant des caractères psychiatriques prononcés ont abouti à des mesures telles que la rétention de sûreté. Nous nous demandons s'il n'est pas nécessaire que des mesures graduées puissent être envisagées une fois que la personne a purgé sa peine. Lorsque des détenus comme auraient pu l'être les frères Kouachi, par exemple, sortent de prison après avoir été placés en détention pendant X années, ils sont toujours les frères Kouachi : que fait-on ?

Bien entendu, se pose le problème de la prédictibilité, nous en avons bien conscience ; c'est pourquoi nous n'apportons pas de réponse. Mais nous pensons qu'il ne faut pas refuser ce débat.

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