Intervention de Olivier Janson

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Olivier Janson, secrétaire général adjoint de l'Union syndicale des magistrats :

Votre question est paradoxale à divers titres. Tout d'abord, il me semble que, pour ses dirigeants, le fait que l'on qualifie Daech de puissance étrangère serait sans doute une forme de victoire – nous nous souvenons des débats qu'a suscités l'utilisation de l'expression « État islamique ».

Ensuite, la situation que vous évoquez est au coeur des difficultés rencontrées tant par les services de renseignement que par l'autorité judiciaire. Je veux parler de ces centaines de personnes qui se sont rendues sur des théâtres d'opérations terroristes, qui en sont revenues ou vont en revenir et dont on ne sait pas grand-chose de plus, ce qui est en soi particulièrement inquiétant. Or, bien que le Parlement ait très récemment légiféré sur ce sujet dans le cadre de la loi sur la criminalité organisée, ce comportement ne correspond actuellement à aucune incrimination, quelle qu'elle soit. Ainsi, les services de renseignement se plaignent de ne pouvoir judiciariser ce type de comportements parce qu'il leur manque souvent un des éléments constitutifs des infractions pénales existantes. Pour que l'infraction d'entreprise individuelle terroriste soit retenue, par exemple, il faudrait prouver, en outre, que la personne a acquis ou tenté d'acquérir des armes ou des substances explosives. Or le législateur a estimé que la réponse – il en a décidé ainsi dans l'article 20 du projet de loi sur la criminalité organisée – ne doit pas être pénale, mais administrative !

Le Sénat avait pourtant suggéré, dans le cadre d'une proposition de loi qu'il a adoptée en décembre dernier, que cette réponse soit pénale, donc judiciaire, en créant un délit nouveau qui correspond point par point à la définition du comportement qui relèverait, aux termes du projet de loi, d'un arrêté administratif, à savoir le fait de s'être rendu ou d'avoir tenté de se rendre, sans motifs légitimes – cette précision permet d'éviter que le personnel humanitaire ou les journalistes n'entrent dans le champ de cette nouvelle incrimination – sur un théâtre d'opérations terroristes. La création d'un tel délit constituerait une réponse autrement plus efficace à ce type de comportements qu'une assignation à résidence d'un mois, éventuellement renouvelable une fois, ne serait-ce que parce qu'elle permettrait de décider un contrôle judiciaire ou de prendre une mesure de détention provisoire. J'indique au passage que le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé est en cours d'examen au Sénat. S'il fait l'objet d'une commission mixte paritaire, peut-être le législateur devrait-il envisager de ne pas se soumettre à une vision qui est celle des services de renseignement.

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