Intervention de Olivier Janson

Réunion du 23 mars 2016 à 19h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Olivier Janson, secrétaire général adjoint de l'Union syndicale des magistrats :

Il est difficile de vous répondre de manière synthétique. Les instruments existent ; la difficulté est liée à la marginalisation de l'autorité judiciaire qui vient d'être rappelée. Certes, le terrorisme n'est pas le même aujourd'hui qu'il y a dix ans, mais, à cette époque, la justice antiterroriste était représentée par le juge d'instruction antiterroriste. La coopération internationale fonctionnait bien parce que ces juges étaient clairement repérés, qu'ils occupaient leurs fonctions pendant une durée significative et qu'ils avaient des contacts réguliers avec leurs homologues étrangers. Aujourd'hui, les juges d'instruction sont marginalisés par les textes et par la pratique ; ils ne sont plus les interlocuteurs classiques des référents antiterroristes européens. Mais le parquet n'est pas pour autant en mesure de répondre à toutes les attentes légitimes en la matière.

Je souhaiterais, à ce propos, évoquer certains points qui n'ont été qu'effleurés alors qu'ils sont, selon nous, au coeur des difficultés liées à la lutte antiterroriste. Comment fait-on pour gérer une masse considérable d'informations – les moyens techniques que vous avez donnés aux services de renseignements produisent une telle quantité d'informations qu'ils reconnaissent eux-mêmes être dépassés – et, dans le même temps, remonter des filières ? Ces deux problématiques ne se traitent pas de la même manière. Où placer le curseur pour distinguer ce qui relève de l'administratif, c'est-à-dire du renseignement, et ce qui relève des enquêtes judiciaires ? Dans les lois qui ont été adoptées depuis juillet dernier, le législateur a confié de fait aux services de renseignement le soin de répondre à cette question. Les textes ne prévoient en effet ni contrôle ni coopération : ce sont les services de renseignement qui décident du moment où ils vont judiciariser, de ce qu'ils vont faire connaître et de ce qu'ils gardent pour eux. C'est un problème particulièrement important au regard de l'efficacité de la réponse antiterroriste en général.

J'ai bien conscience de m'être écarté de votre question, monsieur le président, mais quelle est notre légitimité vis-à-vis de nos interlocuteurs européens lorsque nous nous présentons en ordre dispersé, comme c'est le cas actuellement ? Il faudrait peut-être que le législateur redonne une certaine cohérence au dispositif en confiant aux services de renseignement le soin de traiter la masse des informations qu'ils collectent, en prévoyant que l'autorité judiciaire doit intervenir dès qu'est repéré le début de quelque chose qui relève d'une infraction, et en décidant que les dossiers au long cours seront traités par des juges antiterroristes. Il faut revenir aux fondamentaux !

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