Intervention de Philippe Houillon

Séance en hémicycle du 26 avril 2016 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Ce projet de loi qui, contrairement à ce qu’indique son titre, ne porte pas réforme du Conseil supérieur de la magistrature, a été voté le 4 juillet 2013 par le Sénat puis enterré pendant deux ans et demi au motif qu’il n’y avait « aucune pertinence à ce que l’Assemblée Nationale soit ressaisie d’un texte qui avait perdu toute sa substance » ; je cite vos propres termes, monsieur le ministre. Vous avez manifestement changé de conviction en même temps que de fonction, puisque vous le présentez aujourd’hui comme absolument nécessaire et urgent à adopter.

Dans la lettre que vous avez adressée aux députés le 21 avril dernier, vous sollicitez abusivement leur engagement en faveur de l’indépendance de la justice, comme si elle dépendait de ce texte, alors que – et vous le savez mieux que quiconque – dans notre pays, fort heureusement, les juges sont totalement indépendants.

La question est en vérité beaucoup plus complexe. Les jurisprudences de la CEDH et de la Cour de cassation affirment en effet que les membres du parquet français ne sont pas des juges au motif qu’ils ne remplissent pas les garanties d’indépendance, d’une part, à l’égard de l’exécutif, auquel ils sont hiérarchiquement rattachés, d’autre part, à l’égard des parties, puisqu’ils sont eux-mêmes une partie au procès pénal. De fait, le parquet, organe de poursuite, n’est pas un juge. Or, le texte dont nous débattons ne supprime pas le lien hiérarchique avec le garde des sceaux et ne dit rien sur les garanties d’indépendance à l’égard des parties. Certes, il entérine la pratique de la nomination des magistrats du parquet sur avis conforme du CSM, mais il maintient au profit de l’exécutif l’initiative de la présentation des candidats, ce qui est une forme avancée d’hypocrisie.

Nous avons en réalité à résoudre la difficile équation suivante. Si le procureur n’est pas un juge, le législateur, au fil des années, en a fait un quasi-juge. Nous souhaitons naturellement que les poursuites soient exercées de manière indépendante du pouvoir politique, mais seul ce dernier a qualité pour déterminer la politique pénale de la nation, dont il demeure comptable du résultat, ce qui renvoie à la question de la nature du lien organique entre le peuple et sa justice et à celle de la hiérarchisation.

Nous devons aussi considérer cette notion culturelle française d’unité du corps judiciaire, les juges du siège et les membres du parquet ayant tous deux la qualité de magistrat, bien qu’ils ne soient pas soumis aux mêmes garanties à l’égard du justiciable.

Enfin, l’impartialité due aux mêmes justiciables peut poser question au moins dans son apparence, en raison notamment des prises de positions politiques régulières de la part de syndicats de magistrats dont les membres exercent au quotidien, alors que chacun connaît l’influence majeure de ces syndicats dans les élections au CSM.

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