Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 26 avril 2016 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le parquet français fait l’objet de critiques régulières de la Cour européenne des droits de l’Homme en raison de son manque d’indépendance, malgré plusieurs réformes du Conseil supérieur de la magistrature depuis sa création en 1883, dont la dernière a eu lieu en 2008. L’arrêt Moulin contre France du 23 novembre 2010 a ainsi souligné que le parquet français n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Si le garde des sceaux respecte les avis du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations au parquet depuis 2011, il semble indispensable d’inscrire cet état de choses dans le marbre constitutionnel. Il n’est pas loin le temps où des gardes des sceaux ignoraient les avis du CSM, y compris sur des nominations importantes ! Une réforme du statut du parquet semble d’autant plus nécessaire que les missions du procureur de la République se développent, comme le montre la récente adoption du projet de loi de réforme de la procédure pénale qui donne au parquet des compétences en matière de sonorisation et de perquisitions de nuit. Le parquet français est le seul parquet européen ayant autant de pouvoirs et présentant si peu de garanties d’indépendance.

Les interventions ou tentatives d’intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires parsèment l’histoire de la République. Ni les gouvernements ni la justice n’en sont jamais sortis grandis. C’est pourquoi nous soutenons fortement la rupture du lien entre le parquet et le pouvoir exécutif inscrit au sein même de la Constitution. Toutefois, nous aurions souhaité que le texte aille plus loin sur plusieurs points abandonnés en cours de route au gré des fluctuations de l’opposition. L’objectif initial du projet de loi était en effet de renforcer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature vis-à-vis du pouvoir politique en réduisant le poids des personnalités extérieures. Le but était d’assurer une véritable parité entre magistrats et non-magistrats. Depuis 2008 en effet, les magistrats sont minoritaires en matière de nomination, ce qui est une particularité en Europe que nous partageons avec le Portugal.

La version initiale du projet de loi prévoyait également l’auto-saisine du Conseil supérieur de la magistrature ou sa saisine par un magistrat. Si le pouvoir exécutif ainsi qu’un simple citoyen peuvent saisir le CSM, les magistrats sont les seuls à ne pas pouvoir le faire, ce qui limite parfois fortement leur champ d’action. Un autre point, qui nous importe particulièrement, a été oublié en chemin, la parité entre les hommes et les femmes. Si la profession de magistrat est massivement féminisée, 60 % de magistrats étant des magistrates, les femmes représentent actuellement moins du quart des membres du CSM.

Nous avons également avancé des propositions sur deux autres points qui ne figuraient pas dans la version du texte adoptée par l’Assemblée : premièrement, donner au Conseil supérieur de la magistrature un pouvoir de proposition pour les nominations de certains postes de magistrats du parquet ; deuxièmement, reconnaître la place des avocats dans la Constitution. Il est selon nous nécessaire de prévoir une protection constitutionnelle du droit à l’assistance d’un avocat, que prévoient d’ailleurs de nombreuses constitutions étrangères.

La nécessité de parvenir à un consensus avec le Sénat et la volonté d’aboutir à une adoption conforme du texte aura remis à plus tard l’adoption d’évolutions attendues. Néanmoins, compte tenu des réticences du Sénat, il est nécessaire d’adopter définitivement ce texte de compromis. C’est pourquoi les députés écologistes, qui auraient souhaité une réforme plus ambitieuse, voteront ce texte qui est un pas, certes limité mais indispensable, pour que la justice gagne en indépendance et en sérénité et soit mieux reconnue par nos concitoyens.

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