Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 3 mai 2016 à 9h30
Questions orales sans débat — Dépassements d'honoraires médicaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, le niveau des dépassements d’honoraires médicaux continue de croître. C’est une immense déception, une immense source d’indignation. Les dépassements d’honoraires ont atteint 2,8 milliards d’euros en 2015. L’augmentation, déjà supérieure à 6 % entre 2010 et 2012, se poursuit à un rythme constant depuis que nous sommes aux responsabilités.

Au-delà de ce constat alarmant, il faut examiner la situation en détail et saluer l’instauration des contrats d’accès aux soins, qui ont permis à plus de 11 000 médecins généralistes de jouer le jeu et de limiter le niveau de leurs compléments tarifaires.

Pourtant, dans certains secteurs, on frôle le scandale : ainsi, chez les radiologues de secteur 1, les dépassements d’honoraires ont quasiment doublé en deux ans, passant de 16 à 30 millions d’euros. Lorsque ces dépassements atteignent un tel niveau, madame la secrétaire d’État, c’est le principe même de l’égalité qui est bafoué, puisque les patients de certains territoires ne peuvent plus trouver d’offre au tarif de la Sécurité sociale dans une proximité raisonnable.

Aujourd’hui, l’indécence de ces privilèges heurte profondément nos concitoyens. J’ai pu m’en rendre compte lors de rencontres dans l’ensemble des communes de ma circonscription : c’est l’un des sujets qui revenaient très fréquemment. On pourrait faire le parallèle avec d’autres privilèges et d’autres indécences : je pense au scandale des paradis fiscaux, qui heurte profondément tous nos concitoyens à qui l’on demande aujourd’hui de faire des efforts pour la justice, pour le rétablissement du pays, pour les comptes publics.

Il s’agit donc d’un scandale symbolique, et même d’un scandale pratique pour les patients qui n’ont pas accès à des tarifs réglementés.

Comment peut-on mettre fin à ces privilèges ? Tout d’abord, par l’éducation des parties prenantes, en rappelant aux médecins eux-mêmes le sens de leur engagement. Ensuite, en assurant la diversité de l’offre de soins sur les territoires et peut-être en sanctionnant les professionnels qui ont ces comportements que nous condamnons tous.

Je profite de cette question sur les dépassements d’honoraires pour évoquer l’une de mes autres passions : celle de la prévention en santé publique. La loi de modernisation de notre système de santé, que nous avons votée très largement et qui est l’une de nos fiertés lors de cette législature, met en valeur cette politique de santé publique, mais il y a encore du chemin à faire. Lors de la conférence internationale de l’Organisation mondiale de la santé organisée l’année dernière, nous avons appris qu’à l’échelle mondiale, 97 % des actions sanitaires étaient curatives et 3 % étaient préventives. En France, le partage est plus équilibré – 93 % d’actions curatives, 7 % d’actions préventives –, mais nous sommes encore loin du compte !

Nous savons tous qu’un investissement public massif en la matière aurait un rendement inégalé, non seulement pour le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour les comptes de la Sécurité sociale ; il permettrait également d’éviter toutes les dérives que nous dénonçons vers la privatisation des services de santé, ainsi que les abus que je dénonçais tout à l’heure. Le ministère des affaires sociales et de la santé est en train d’élaborer des indicateurs qui permettront de mieux évaluer l’enjeu d’un investissement en la matière.

Nous devrons mieux coordonner nos politiques publiques. Les contrats locaux de santé vont dans ce sens, mais il faudrait y intégrer les politiques de l’alimentation, les projets alimentaires territoriaux défendus par notre collègue Brigitte Allain, et la lutte contre les pesticides que j’ai moi-même portée auprès du Premier ministre, du ministre de l’agriculture et de la ministre de l’environnement. Il faudrait coordonner les politiques d’environnement, d’alimentation, d’hygiène, de sport, et faire de nos régions des territoires d’excellence sur ces sujets. Il y a là matière à un récit citoyen qui pourrait nous mobiliser, au-delà des générations, au-delà de la ville ou de la campagne, et même au-delà des catégories sociales qui composent notre société. Je crois véritablement qu’il s’agit d’un investissement important.

Je veux enfin faire le lien entre l’indécence des dépassements d’honoraires et la carence d’investissements publics en matière de santé. Et si nous luttions contre tous les dysfonctionnements du système de santé ? Contre les dépassements d’honoraires, contre le recours abusif à l’intérim dans les hôpitaux, qui devient aujourd’hui quasiment une rente, et contre quelques autres malfaçons ? Il y aurait peut-être là matière à mener, à budget constant, une politique de prévention sanitaire authentique, porteuse de promesses pour nos concitoyens et pour la République.

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