Intervention de Jean Viansson-Ponté

Réunion du 25 avril 2016 à 14h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean Viansson-Ponté, président du Syndicat de la presse quotidienne régionale, SPQR :

La presse régionale et départementale, ce sont aujourd'hui 18 millions de lecteurs quotidiens pour l'imprimé et 18 millions de visiteurs uniques tous les mois pour la presse en ligne, ce qui signifie qu'avec ses 5 000 journalistes et ses 20 000 correspondants, elle est le premier vecteur d'information en France.

Pour ce qui concerne ses pratiques, elles n'ont pas substantiellement évolué sur le fond depuis le 7 janvier 2015. Il s'agit davantage pour nous de poursuivre une évolution qui repose sur une base solide : la réflexion déontologique de nos rédacteurs en chef qui, dès 1991, ont codifié nos règles et usages, lesquels figurent dans un document annexé aux statuts de notre syndicat. Ces règles et usages ont été considérablement revus en 2011 et font désormais l'objet d'un suivi par un observatoire, émanation de la commission de l'information de l'Union de la presse en région.

La presse quotidienne régionale traite essentiellement l'information de manière contradictoire, ce qui n'exclut pas, parfois, l'inquisitoire, mais donne à nos règles et usages, ordonnés autour des quatre piliers que sont l'exigence de rigueur, l'affirmation du respect de la personne, le respect de la présomption d'innocence et la pratique du droit de réponse, un caractère extrêmement concret qui implique que chaque journaliste embauché dans nos journaux en prenne connaissance.

Une autre des raisons pour lesquelles nous n'avons pas eu à modifier notre façon de faire en profondeur est que plusieurs événements survenus en régions avant 2015 – je pense notamment à AZF ou à l'affaire Merah – nous avaient déjà conduits à une réflexion sur la conduite à tenir dans des situations extrêmement sensibles.

En revanche, notre environnement évolue, lui, de manière de plus en plus rapide, du fait du développement de réseaux sociaux de plus en plus organisés, et il est important que les journalistes aient une bonne connaissance de la manière dont l'information est produite à travers ces circuits d'information et qu'ils soient parfaitement avertis des risques de dérive ou de manipulation que recèlent ces flux non contrôlés.

La force de nos 5 000 journalistes est précisément qu'ils sont formés à pratiquer leur métier sur une multiplicité de supports. L'information en continu n'est pas leur seule culture. Même si celle-ci répond à une forte attente des citoyens, ils travaillent en parallèle pour les différents canaux numériques et pour la presse papier, où, une fois les nouvelles imprimées, il n'y a plus de rémission possible.

Je ferai remarquer ici que, s'agissant des événements qui dépassent le champ local, nous sommes tributaires des agences, et notamment de la plus grande d'entre elles, l'Agence France Presse (AFP). Ainsi, il nous a fallu, pour couvrir les événements de Bruxelles et obtenir des photographies, attendre deux heures avant de disposer de données validées ; pendant ces deux heures, nous avons dû nous débrouiller et aller chercher l'information sur les réseaux sociaux, la vérifier, pour pouvoir ensuite la traiter, ce qui pose naturellement la question de notre réactivité et des délais de production de l'information.

Je voudrais également insister sur le fait que la loi du 13 novembre 2014 a sorti de la loi de 1881 le délit d'apologie du terrorisme pour l'introduire dans le code pénal, modifiant ainsi un cadre dont la pertinence et l'efficacité ne sont plus à prouver. Ce cadre, qui résulte d'équilibres internes jusqu'ici préservés, a fait ses preuves, et il ne saurait être modifié sans qu'ait été menée auparavant une réflexion approfondie sur les changements souhaitables, notamment en matière de délais de prescription. Or, si j'ai évoqué la loi du 13 novembre 2014, c'est précisément parce qu'elle est revenue sur les délais de prescriptions abrégés, qui faisaient partie des équilibres à préserver.

Au-delà de ces observations, il faut néanmoins souligner que, dans la situation difficile où nous sommes et malgré la mise en place de l'état d'urgence, aucune des libertés essentielles de la presse n'a été remise en cause, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

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