Intervention de Angélique Bouin

Réunion du 25 avril 2016 à 14h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Angélique Bouin, directrice adjointe de la rédaction de France Inter :

Il faut prendre en compte la mobilisation des rédactions qui, à cette occasion, ont travaillé de façon responsable. D'ordinaire, quand une information nous parvient – et il est vrai que les réseaux sociaux, depuis quelques années, ont bousculé notre façon de travailler – nous la recoupons. C'est la base de notre métier.

Face aux attentats de janvier et de novembre 2015, nous retrouvons tous nos réflexes et envoyons quelqu'un sur le terrain pour vérifier l'information. Pour ce qui touche au terrorisme, nous disposons de services très professionnels, de journalistes qui sont en contact avec des policiers, avec la préfecture de police de Paris, avec le ministère de l'intérieur. Imaginez que, le vendredi, dans les rédactions, tout le monde travaille depuis trois jours et trois nuits ; certains de nos reporters, sur le terrain, n'ont pas dormi pendant trois jours. Certaines rédactions – dont la mienne – ont été endeuillées à l'occasion des attentats de janvier 2015. Bref, imaginez les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Je suis émue en y repensant. Mais j'insiste vraiment sur le fait que nous avons tous été responsables : nous avons défendu notre métier, nous avons fait prendre des risques à des reporters – j'en ai envoyé un à Saint-Denis en pleine fusillade, sans gilet pare-balles, sans lui avoir donné la moindre consigne de sécurité…

Ces événements nous ont donc tous amenés à réfléchir à nos pratiques. Si nous sommes bousculés par les réseaux sociaux, nous gardons tout de même nos réflexes de tous les jours : envoyer quelqu'un sur le terrain, mettre quelqu'un en cabine pour téléphoner dans le voisinage immédiat de l'endroit où l'on nous signale une fusillade ou une explosion… Ainsi, il y a quinze jours, une explosion retentit dans Paris : nous recevons à la rédaction l'appel d'une jeune fille paniquée qui nous indique qu'une bombe vient d'exploser dans sa rue. En quelques minutes, l'ensemble de nos rédactions mobilisent des dizaines de journalistes, mais nous ne disons rien à l'antenne et, bientôt, la préfecture de police de Paris nous informe qu'il s'agit d'une explosion due au gaz. Nous avons simplement traité l'information le soir sur le thème de l'émotion dans un quartier dans un contexte d'attentat possible.

Au cours des semaines qui ont suivi l'attentat du 13 novembre, je n'ai cessé d'envoyer des gens pour des attaques sous la tour Eiffel ou dans des musées. Si vous n'en avez jamais entendu parler, c'est parce que nous avons fait notre travail, même s'il arrive que nous commettions des erreurs.

Comme d'autres, France Inter a annoncé l'assaut de Dammartin-en-Goële. J'étais alors en régie. Il est vrai qu'aucun d'entre nous ne possédait l'information selon laquelle annoncer l'assaut mettrait en danger les otages de l'Hyper Cacher. J'étais reporter à France Inter et à France Info en 1994, à l'époque du détournement de l'Airbus qui assurait la liaison entre Alger et Paris. Quand l'Airbus arrive à Marignane, je suis envoyée pour couvrir l'événement. Le directeur de la rédaction m'appelle pour m'annoncer que le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) va donner l'assaut dans les quinze à vingt minutes. France Info est à l'époque l'une des rares radios d'information continue, sinon la seule. On nous informe, mon confrère de Marseille et moi-même, que nous allons probablement voir les hommes du GIGN s'approcher de l'avion et on nous demande de n'en rien dire. Nous n'en avons rien dit. Or, à Dammartin-en-Goële, personne ne nous a donné ce type d'information. Il va de soi que, si l'on nous avait prévenus, nous aurions procédé différemment, car, quand nos contacts de la police judiciaire nous communiquent de tels éléments, nous retenons l'information. Nous avons donc plusieurs solutions, dès lors que nous avons des interlocuteurs.

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