Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du 3 mai 2016 à 15h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, vous l’avez souligné avec force, madame la ministre, lors de votre audition devant la délégation aux droits des femmes : « le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes demande une mobilisation sans cesse réaffirmée ». Si les femmes représentent aujourd’hui près de la moitié de la population active, le monde du travail reste marqué par de profondes inégalités, notamment dans l’accès à l’emploi et l’insertion.

En effet, les taux d’activité des femmes sont encore souvent fonction de la configuration familiale, marqués notamment par les interruptions de carrière et l’inégal partage des tâches domestiques et des responsabilités parentales. Cependant le taux d’emploi des femmes continue de progresser malgré la crise économique. Il a même atteint 66,2 % en 2014. L’action volontariste du Gouvernement en faveur de l’insertion professionnelle des femmes a contribué à le faire progresser de plus d’un point en seulement deux ans.

S’agissant des inégalités dans l’emploi, faut-il encore rappeler que les femmes occupent 80 % des emplois à temps partiel, dont une part importante du temps partiel subi, et représentent environ deux tiers des travailleurs pauvres ?Faut-il également rappeler que, plus que d’autres, elles subissent les horaires atypiques et le travail émietté ? Par ailleurs, 27 % des femmes occupent des postes peu qualifiés, soit près de deux fois plus que les hommes, et plus de la moitié de l’emploi féminin se concentre sur une dizaine de métiers souvent peu valorisés.

Outre les « parois de verre » et le « plancher collant », les femmes sont aussi, encore et toujours, confrontées à un plafond de verre qui leur interdit l’accès aux postes à responsabilité, tout ceci ayant nécessairement un impact en termes de rémunération. Elles gagnent ainsi encore environ 19 % de moins que les hommes, même si les écarts de salaires diminuent deux fois plus vite en France que dans le reste de l’Union européenne, ce dont je me félicite. Cet écart s’est sensiblement réduit en France puisqu’il était de 29 % en 1991. Quelle lenteur tout de même ! À ce rythme il nous faudrait encore un demi-siècle pour parvenir à l’égalité salariale ! Qui pourrait ici s’en satisfaire ?

Je tiens également à évoquer les violences sexistes et sexuelles au travail, sur lesquelles l’attention de la délégation a été appelée au cours de ses travaux, même si des progrès importants sont intervenus, notamment depuis la loi de 2012, la loi du 4 août 2014, et plus récemment, l’insertion dans le code du travail de dispositions sur les agissements sexistes à la faveur de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Nous le savons : tous les stéréotypes au travail ont la vie dure. Le milieu de l’entreprise n’échappe pas aux mécanismes sociaux qui empêchent les femmes de bénéficier des mêmes opportunités que leurs collègues masculins. Cela vaut également pour les violences faites aux femmes – harcèlement, discriminations, remarques et comportements sexistes.

Parce que les inégalités sont partout, il nous faut agir partout, en adoptant une approche nécessairement transversale et intégrée de l’égalité pour irriguer l’ensemble des politiques publiques. Depuis 2012, de nombreuses avancées importantes, porteuses de justice et de progrès social, sont intervenues. Nous les exposons dans le rapport que la présidente de la délégation, Catherine Coutelle, et nous-même avons présenté.

Il faut également que l’égalité professionnelle soit placée au coeur des discussions entre les employeurs et les salariés et du dialogue social dans l’entreprise. Lr rapport présenté le 5 avril dernier à la délégation aux droits des femmes, analyse l’ensemble des mesures du projet de loi sur lesquelles son attention avait été appelée, concernant les principes essentiels du droit du travail, les dispositions relatives au temps de travail, plus particulièrement le temps partiel, la réforme du dialogue social, compte tenu de ses impacts sur la négociation collective sur l’égalité professionnelle, le compte personnel d’activité, ainsi que le droit à la déconnexion, le télétravail et la médecine du travail.

Il nous a paru nécessaire de compléter ce texte sur plusieurs points, notamment sur la lutte contre les discriminations, harcèlements et agissements sexistes. Nous assumons de ne pas raisonner à droit constant et de vouloir défendre de nouveaux progrès, tout en ayant bien conscience, de ceux, nombreux, qui ont déjà été accomplis dans la période récente, parce que les femmes ont déjà bien assez attendu, dans l’histoire de l’humanité, dans cette longue marche vers l’égalité.

Comme le disait Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Aujourd’hui, une réforme importante nous est proposée en matière de droit du travail : elle doit être l’occasion de prolonger ces avancées et de continuer à faire progresser l’égalité réelle dans le monde du travail. La délégation a adopté trente recommandations qui vont dans ce sens et je me félicite que plusieurs amendements aient d’ores et déjà été adoptés en commission dans le prolongement de ces travaux. Je tiens à cet égard à rendre hommage au rapporteur, Christophe Sirugue, pour son écoute ainsi que pour le travail approfondi qu’il a réalisé, et à saluer la présidente Catherine Lemorton pour le caractère constructif des débats que nous avons pu avoir en commission.

Madame la ministre, je connais votre attachement personnel à la lutte contre les discriminations dans l’emploi et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Je ne doute pas de l’attention que vous porterez aux autres améliorations ou compléments que nous proposons sur ce texte.

Oui, chers collègues, pour engager une réforme, nécessaire, du droit du travail, pour dessiner un juste équilibre entre flexibilité et sécurité, nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises, les actives et les actifs, et pour engager une modernisation du marché du travail, tout en prenant en compte la situation des plus précaires et sans remettre en cause ce qui fait l’essence et la force de notre modèle social, il faut du volontarisme et du courage politique.

Pour promouvoir les droits des femmes, faire progresser l’égalité réelle et lutter contre tous les conservatismes, il faut aussi du courage, voire une certaine forme d’obstination. « Le courage, disait Jean Jaurès, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ». C’est précisément dans cet esprit que la délégation aux droits des femmes a mené ses travaux pour porter, ensemble, de nouveaux progrès pour les femmes, et, au-delà, j’en suis convaincue, pour l’ensemble de la société, parce que l’âme de la France, c’est l’égalité.

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