Intervention de François Logerot

Réunion du 27 avril 2016 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

Votre question rejoint une de mes préoccupations permanentes, qui est également celle de mes collègues. Notre Commission doit en effet rendre des décisions homogènes à la fois entre candidats à une même élection, quelle que soit leur appartenance politique, et dans le temps. Or, lorsqu'il y a contentieux – et ils portent quelquefois sur un nombre important de circonscriptions –, nous devons statuer sur les comptes dans les deux mois. Ainsi, aux élections municipales de 2014, 23 % des communes faisaient l'objet d'un contentieux devant le juge de l'élection. Nous sommes donc obligés de prendre sous deux mois des décisions qui ne sont quelquefois pas complètement éclairées, alors que, si nous disposions de six mois, nous pourrions éventuellement, grâce aux procédures contradictoires qui donnent au candidat le temps d'apporter les explications nécessaires, améliorer notre information et prendre une décision plus construite et en tout cas mieux comprise.

Voici comment nous procédons pour harmoniser nos décisions.

Nos rapporteurs ont tout d'abord à leur disposition un guide, document volumineux sans cesse mis à jour pour tenir compte de la jurisprudence et des questions nouvelles que nous rencontrons. Par exemple, aux élections départementales, nous avons rencontré des problèmes inédits dus au fait que la loi avait institué le binôme de candidats. Des obligations pesaient sur le binôme de façon solidaire, mais il arrivait que les deux candidats répondent à ces obligations de façon divergente. Or, il nous fallait bien statuer sur leurs comptes.

Ensuite, des lettres sont adressées aux candidats et je demande toujours aux rapporteurs de soigner leur présentation, c'est-à-dire, bien entendu, d'exercer librement leurs fonctions pour ce qui est de réclamer des explications, des documents manquants ou des justifications complémentaires, en annonçant à chaque fois les risques éventuellement encourus en cas de non-réponse ou de réponse insatisfaisante, mais de le faire en respectant les formes. Tant qu'une irrégularité n'est pas établie, on n'a pas à menacer le candidat de façon comminatoire.

Je sais, monsieur le député, que cela n'est pas toujours respecté par les rapporteurs, et je renouvelle à chaque fois cette recommandation. Ces lettres ne partent pas directement du domicile des rapporteurs : elles sont adressées par la Commission elle-même. Nos chargés de mission permanents ont pour consigne d'examiner celles de ces lettres qui posent le plus de problèmes, pour essayer de s'assurer que la doctrine de la Commission s'y reflète correctement. Rien n'est jamais parfait et je n'ignore pas qu'il peut y avoir, localement, des incompréhensions, par exemple lorsque la lettre de contradiction envoyée au candidat dans un canton aura abouti à une réformation qui n'aura pas été retenue dans un autre cas. Cela peut aussi tenir au fait que chaque candidat n'a pas répondu de la même manière. Par exemple, l'un des candidats aura effectivement apporté les explications détaillées qui lui étaient demandées, mais pas l'autre.

Cela étant, je sais qu'il y a quelquefois des différences de comportement des rapporteurs, malgré notre vigilance et le fait que mes collègues et moi nous autocontrôlions. Il est alors possible de déposer un recours gracieux, dans un premier temps. Nous avons, à chaque élection générale, quelques dizaines de recours gracieux que nous examinons avec beaucoup d'attention. Et vous verrez dans notre prochain rapport d'activité que ces recours gracieux sont acceptés dans une proportion assez importante : en totalité ou en partie, dans à peu près la moitié des cas aux dernières élections départementales. Enfin, le candidat a toujours la faculté, soit après un recours gracieux qui n'aurait pas été accepté, soit même directement, de saisir le tribunal administratif de Paris, dans les formes les plus simples.

Des voies de recours existent donc. Mais encore une fois, c'est notre souci permanent que d'aboutir à des décisions homogènes. Et je puis donner l'assurance à la commission des Lois que, lorsqu'une proposition de réformation du rapporteur n'est pas suffisamment étayée dans son raisonnement ou dans les possibilités qui ont été données au candidat de s'expliquer, le doute doit bénéficier au candidat. Parfois, heureusement, le chargé de mission qui supervise le travail d'une équipe de rapporteurs procède lui-même à une deuxième contradiction vis-à-vis du candidat, ce qui permet bien souvent d'éliminer encore des questions ou, au contraire, de soulever une question que le rapporteur n'avait pas vue. Mais l'expérience prouve que nous ne pouvons le faire réellement que dans le cas où il n'y a pas de contentieux et où nous avons donc six mois devant nous. La difficulté vient du fait que les délais contentieux sont très courts. Nous avions émis le voeu, il y a déjà plusieurs années, que le législateur veuille bien examiner la possibilité de donner à la Commission trois mois au lieu de deux. Évidemment, cela retarderait quelque peu la décision du juge de l'élection sur le contentieux, mais peut-être cette disposition serait-elle favorable tant au travail de la Commission qu'aux candidats.

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