Intervention de Georges Fenech

Réunion du 27 avril 2016 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Monsieur le président, n'avez-vous pas le sentiment de posséder un pouvoir exorbitant ? L'intervention que vous venez d'énoncer n'est pas faite pour nous rassurer. Vous nous rappelez, en effet, qu'il n'y a pas de définition légale de la dépense électorale, puis soulignez les différences de comportement entre rapporteurs. Ne sommes-nous pas, à un moment donné, face à un pouvoir d'appréciation si large qu'il peut confiner quelquefois à l'arbitraire, voire à l'injustice ? Ne pensez-vous pas que nous soyons face à une incertitude quant à votre jurisprudence – qui est évolutive ? Comment pouvons-nous connaître à l'avance votre appréciation souveraine de la nature d'une dépense ?

Comme vous n'êtes pas sans savoir la difficulté d'une campagne électorale, vous avez admis, dans votre jurisprudence, qu'un mandataire financier, aussi scrupuleux et honnête soit-il, ne peut régler lui-même toutes les dépenses. Vous avez donc accepté qu'un certain pourcentage de ces dernières ne soit pas pris en charge directement par le mandataire mais par un tiers, quitte à ce que le mandataire prenne in fine en charge la dépense sur le compte de campagne. Et vous avez, de manière souveraine, établi un pourcentage des dépenses pouvant ne pas être prises en charge directement par le mandataire : 3 %. Pourquoi pas 5 % ou 10 % ?

Comment les candidats aux élections législatives peuvent-ils établir leur compte de campagne sans considérer celles-ci comme des élections à trois tours, dans la mesure où ils devront aller devant votre Commission sans connaître votre jurisprudence ? Nous sommes soumis aux critères subjectifs de cette instance : là est la difficulté pour tout candidat. Au delà de tous ses efforts, de sa bonne foi et de son honnêteté, il ne sait pas si, au bout du compte, son élection au suffrage universel, incontestable voire incontestée par ses concurrents, ne sera pas annulée. Ne croyez-vous pas qu'il faudrait un jour définir, sans vous laisser cette trop lourde responsabilité, ce qu'est une dépense électorale ? Pourquoi ne pas disposer d'un vadémécum en la matière ?

Ma seconde critique porte sur la procédure elle-même. Vous nous dites qu'il y a 200 rapporteurs. C'est donc la loterie : tel rapporteur estimera que la dépense est conforme, tel autre en jugera différemment. Vous nous dites que vous vous efforcez d'harmoniser leurs points de vue : c'est très inquiétant pour nous qui faisons l'effort d'être véritablement « dans les clous ». Nous évacuons évidemment toute idée de fraude – celle-ci devant être sanctionnée. Mais, sur un terrain aussi mouvant que celui de l'appréciation de la notion de dépense électorale et de pourcentages que vous établissez souverainement, on est tout de même en droit de vous interpeller quant à la nécessité de continuer à mieux encadrer ces comptes de campagne, de façon à éviter des catastrophes. Car annuler une élection au suffrage universel, incontestable et incontestée, pour des raisons de régularité formelle va à l'encontre de la conception que j'ai de cette élection.

Je vous le dis avec calme, mais avec une certaine expérience car, malheureusement, vous avez estimé, en 2008, que 8 % des dépenses de mon compte de campagne avaient été prises en charge par un tiers et qu'il fallait donc rejeter mon élection, pourtant incontestée. Je l'ai admis, bien entendu, mais sans aucune possibilité de me défendre puisque la procédure n'est pas contradictoire. Vous tentez de nous rassurer en nous rappelant que nous avons la possibilité de saisir le tribunal administratif, mais nous savons quelles sont nos chances de succès devant un tel tribunal. Nous savons aussi que le Conseil constitutionnel est à 99 % une chambre d'enregistrement de vos décisions. Il est donc très important que nous puissions développer notre point de vue devant votre Commission, éventuellement assisté par un défenseur, de façon à pouvoir discuter contradictoirement de votre analyse. Je rejoins parfaitement mon collègue Erwann Binet sur ce point : l'exemple qu'il a cité fut à nos yeux une injustice totale pour notre collègue socialiste invalidée.

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