Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du 3 mai 2016 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure du projet de loi organique :

Je vous remercie, monsieur le garde des Sceaux, pour votre intervention, qui nous indique l'esprit dans lequel nous allons travailler pour améliorer la justice, qui nous tient tant à coeur. Je remercie très sincèrement mes collègues Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs du projet de loi ordinaire, qui ont participé à mon travail, ainsi qu'Yves Goasdoué et Colette Capdevielle. Je remercie enfin les administrateurs du secrétariat de la commission et les membres de votre cabinet, qui ont fait preuve d'une grande disponibilité et d'une grande compétence.

Je poserai quelques questions complémentaires qui permettront d'éclairer le contenu du projet de loi organique.

Vous présentez, monsieur le garde des Sceaux, plusieurs amendements qui prennent acte, dans l'ordonnance statutaire des magistrats, de la fusion des actuelles inspections du ministère de la justice en une seule inspection, dénommée inspection générale de la justice. Je souhaiterais que vous nous donniez des précisions sur les modalités de cette réforme, attendue depuis longtemps, dont la nécessité a été encore rappelée récemment par la Cour des comptes.

En ce qui concerne l'élargissement des voies d'accès à la magistrature et d'ouverture de celle-ci à d'autres professionnels, je note l'effort que vous faites en faveur des doctorants, avec la mise en place de plus de juristes assistants. Je m'interroge, toutefois, sur deux points. D'une part, la formation de deux ans qui leur sera proposée à l'École nationale de la magistrature (ENM) n'est-elle pas trop longue ? Compte tenu de leur cursus prolongé – dix années d'études de droit et trois années de service en tant que juristes assistants –, ils pourraient peut-être bénéficier d'une formation raccourcie d'une année à l'ENM. D'autre part, contrairement à ce que nous souhaitions tous vivement au sein de la majorité, il n'est pas prévu d'élargissement des voies d'accès s'agissant des avocats. Des propositions vous seront sans doute faites à ce sujet, sinon en commission, du moins en séance publique. Pourront-elles prospérer ?

Concernant les magistrats recrutés par le concours complémentaire, quelles sont, au-delà des modifications proposées dans le texte organique, les améliorations que vous entendez apporter à leur mode de recrutement, qui s'avère décourageant pour nombre de candidats ?

J'ai déposé plusieurs amendements visant à rétablir la réforme du statut du JLD qui avait été proposée par le Gouvernement, mais vidée de son sens par le Sénat. Vous avez souligné l'importance de ce rétablissement, et nous vous remercions de cette décision. Au regard de l'accroissement des prérogatives du JLD, il convient, en effet, de lui conférer les garanties à même de lui assurer son indépendance.

Trois ans après les lois sur la transparence de la vie publique, dont vous avez été le rapporteur pour notre commission, je me félicite que la plupart des mesures déontologiques mises en place par ces lois soient aujourd'hui transposées aux magistrats judiciaires. C'est d'autant plus nécessaire que nous venons de renforcer le cadre déontologique applicable aux fonctionnaires et aux membres des juridictions administratives et financières dans la loi du 20 avril 2016.

Je pense malgré tout que le projet de loi organique pourrait aller encore plus loin en matière de déontologie. Il s'agirait, d'abord, de rapprocher ses dispositions de celles de la loi du 20 avril 2016, qui prévoient par exemple des sanctions pénales en cas d'absence de déclaration ou de déclaration incomplète. Je relève également que, en l'état actuel du texte, le premier président et le procureur général près la Cour de cassation ne sont pas tenus de déclarer leurs intérêts.

Il manquait également un organe de conseil en matière de déontologie, le rôle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne pouvant s'étendre aux questions individuelles. Vous avez répondu sur ce point, puisque vous avez pris en considération notre démarche et admis l'idée d'un collège de déontologie, interne à la magistrature judiciaire, sur le modèle des collèges de déontologie de la juridiction administrative et des juridictions financières. Il pourrait notamment recevoir les déclarations des plus hauts magistrats.

Dans le même sens, ne devrait-on pas étendre l'obligation de déclarer leurs intérêts à tous ceux qui exercent la fonction de juger, y compris aux magistrats à titre temporaire et aux magistrats honoraires, ainsi qu'à l'ensemble des membres du CSM ? En outre, que pensez-vous de l'idée d'étendre aux membres du Conseil constitutionnel les obligations déclaratives prévues dans ce projet de loi organique, ainsi que le proposent, par un amendement, Yves Goasdoué et les membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen ?

Enfin, dans plusieurs affaires récentes et médiatisées, des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été soulevées au tout dernier moment, en début d'audience, parfois dans le seul but d'obtenir un sursis à statuer. Pourtant, certaines de ces QPC auraient pu être déposées pendant l'instruction, laquelle dure souvent de longues années. De telles pratiques désorganisent le calendrier judiciaire et ralentissent encore un peu plus le fonctionnement de la justice. En matière criminelle, ce problème ne se pose pas, puisque, en 2009, le législateur organique a pris le soin d'interdire le dépôt de QPC devant les cours d'assises, ce moyen devant être soulevé pendant l'instruction. N'est-il pas temps de transposer ce système en matière correctionnelle, pour autant, évidemment, qu'il y ait bien une instruction préalable ?

La technicité de ce texte ne doit cacher ni l'importance de ses objectifs ni le caractère salutaire des avancées qu'il prévoit. Vous l'avez dit avec force, monsieur le ministre : la justice, c'est aussi une question de moyens. En plus de cette avancée législative, il nous faut donc poursuivre avec constance, chaque année, l'amélioration de la situation budgétaire de l'autorité judiciaire, en portant une attention particulière aux magistrats et aux personnels oeuvrant dans ce domaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion