Intervention de Yves Goasdoue

Réunion du 3 mai 2016 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Aux yeux du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la grande technicité de ce projet de loi organique ne doit pas masquer son importance. Ce texte modernise considérablement le statut des magistrats et du Conseil supérieur de la magistrature ; dans une période qui n'est pas facile pour les magistrats, il pourvoit à l'attractivité de ce corps auquel nous sommes tous attachés et organise son ouverture au monde et à d'autres professions. Il crée – vous l'avez dit d'emblée, monsieur le garde des Sceaux – un véritable statut pour le juge des libertés et de la détention. Enfin – car les droits y ont pour pendant les devoirs –, il veille à la prévention des conflits d'intérêts et à la transparence de ces personnages importants dans notre société que sont celles et ceux qui rendent la justice.

La diversification des recrutements ne saurait toutefois s'affranchir des exigences de la formation et de l'excellence. Pour le dire autrement, la diversification ne saurait passer par la banalisation ou par la perte de compétences des magistrats. Mme la rapporteure a parfaitement rappelé les limites de l'exercice.

Nous avons découvert l'existence, au côté des magistrats « de droit commun », si j'ose dire, des magistrats à titre temporaire, des juges de proximité, des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles réelles, avec tous une mission bien définie s'exerçant sur une période déterminée. Le texte clarifie leur situation ; leurs engagements sont davantage limités dans le temps, mais deviennent le cas échéant renouvelables.

Quant à l'extension de la mission de formation de l'École nationale de la magistrature, elle est essentielle : si on veut rendre la profession plus attractive et l'ouvrir davantage, il faut aussi former.

Le juge des libertés et de la détention doit devenir un juge spécialisé, nommé par le Président de la République sur votre proposition, monsieur le garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, et dont l'exercice des fonctions dans une même juridiction est limité à dix ans. Pourquoi ? Parce qu'il sera certainement le juge de l'habeas corpus de demain, pour reprendre votre formule. Il n'est qu'à voir les attributions que nous lui avons données dans le cadre du droit des étrangers comme du projet de loi, encore en discussion, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Une fonction particulière est sur le point de naître : la protection de la liberté et le contrôle du juge par le juge. C'est ce qui rend ce statut nécessaire.

En ce qui concerne les potentiels conflits d'intérêts des magistrats, nous proposerons d'aller plus loin que les sénateurs en instituant un collège de déontologie analogue à ceux qui ont été créés pour les membres des juridictions administratives et financières dans la loi du 20 avril 2016. Nous vous ferons la même proposition pour le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et pour le Conseil constitutionnel. Les magistrats seront naturellement protégés par la confidentialité de leurs déclarations.

En ce qui concerne la déclaration de situation patrimoniale, le Sénat avait également durci le texte en étendant cette obligation aux présidents des tribunaux de première instance et aux procureurs de la République près les tribunaux de première instance et en prévoyant son envoi à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), à la différence du texte gouvernemental. Nous en sommes d'accord, et jugeons utile de soumettre aussi à cette obligation le CSM et le Conseil constitutionnel.

En contrepartie de ces obligations nouvelles, la loi organique reconnaît le droit syndical des magistrats, encadre par de nouvelles dispositions, y compris dans le temps, les poursuites disciplinaires dont ils peuvent faire l'objet et précise la protection fonctionnelle que l'État leur doit lorsqu'ils rencontrent des difficultés. C'est donc un texte équilibré que notre groupe soutiendra.

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