Intervention de Maina Sage

Réunion du 4 mai 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Ces quatre amendements d'appel traitent de la problématique foncière en Polynésie française.

L'an dernier, dans le cadre de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, nous avons créé le tribunal foncier. Nous avions insisté, lors de nos débats, sur la nécessité, outre l'outil spécifique dédié au foncier, de légiférer au fond sur des textes adaptés à cette spécificité de la Polynésie française.

La propriété individuelle est dans ce territoire une notion relativement récente, qui date de deux siècles à peine. Auparavant, la gestion des biens était communautaire. La modification de la gestion de propriété a eu de graves conséquences : un très grand nombre de familles n'arrivent pas, même après des décennies, à sortir de l'indivision. Certaines familles élargies peuvent en effet compter jusqu'à cinq cents, voire mille coïndivisaires, ce qui complique la sortie de l'indivision et, en général, la gestion des successions.

Lorsque le tribunal foncier a été institué, il était question de modifier le code civil en y introduisant des dispositions spécifiques à la Polynésie. On nous avait toutefois demandé de ne pas faire de propositions en ce sens, le projet de loi en discussion ne visant que le fonctionnement de la justice.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est donc, pour nous, l'occasion de vous sensibiliser, monsieur le garde des Sceaux, à cette problématique majeure.

L'amendement CL250 traite du droit de retour. La réforme des successions mise en oeuvre par les lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 privilégie en effet la notion de ménage par rapport à celle de lignage, ce qui est véritablement problématique pour la Polynésie. Aujourd'hui, en effet, notre droit prévoit qu'un bien de famille, en l'absence de descendant, est partagé par moitié entre le conjoint survivant et les frères et soeurs du défunt. C'est un point de blocage majeur, qui a des conséquences lourdes et peut même provoquer des conflits violents au sein des familles. Nous souhaiterions que, en l'absence de descendance, le bien aille en totalité aux frères et soeurs ou à leurs descendants.

Les amendements CL248 et CL 249 sont relatifs au partage par souche, et visent à mettre le droit en conformité avec le code de procédure civile de Polynésie française, antérieur à la loi du 23 juin 2006, de façon à ne pas provoquer d'annulations de partage en cas d'omission d'un coïndivisaire. Ce dernier pourra faire appel de la décision et être indemnisé, soit en nature, soit en valeur, sans que le partage soit remis en cause.

L'amendement CL247 instaure une dérogation au principe de l'attribution préférentielle, conformément à la jurisprudence de la cour d'appel de Papeete.

Je comprends qu'il ne soit pas forcément facile, à 20 000 kilomètres de distance, de tenir compte des spécificités de la Polynésie, et je sais que le code civil est en quelque sorte la « Bible » de la République, mais j'insiste sur le fait que toutes les familles polynésiennes sont concernées par cette question, 90 % des partages faisant l'objet d'un contentieux devant les tribunaux, et que cette situation constitue un frein au développement économique de notre territoire, l'indivision empêchant l'accès au foncier.

J'invoquerai, à l'appui de mon plaidoyer, le cas de la Corse, où nous avons su faire évoluer le droit en la matière.

Quelles sont, monsieur le garde des Sceaux, les évolutions envisageables de notre droit civil ?

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