Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 4 mai 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice :

L'amendement CL111, qui vise à garantir l'accessibilité de la juridiction foncière à l'ensemble des habitants de la Polynésie française, au regard des distances et des coûts engendrés pour rejoindre Papeete depuis les îles Sous-le-Vent ou les Marquises, ne nous paraît pas nécessaire puisque, en Polynésie comme en France métropolitaine, il est possible de tenir des audiences foraines – et ce sera le cas du tribunal foncier. En effet, l'article R. 552 du code de l'organisation judiciaire offre la possibilité de tenir des audiences foraines dans des communes autres que celle où est situé le siège de ce tribunal. C'est ainsi que fonctionnait la commission de conciliation obligatoire en matière foncière, supprimée avec l'entrée en vigueur du tribunal foncier.

L'amendement CL127 vise, quant à lui, à supprimer les dispositions relatives au commissaire du gouvernement. Mme Sage connaît bien le sujet – nous en avons discuté en séance publique le 30 octobre 2015 et le principe avait recueilli un avis favorable du Gouvernement et de la commission. J'avais alors indiqué que la présence d'un commissaire du gouvernement pouvant faire office de rapporteur public était de nature à améliorer la procédure. Depuis cette date, nous avons eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises avec le Gouvernement de la Polynésie française pour mettre en place le groupe de travail tant attendu sur la procédure relative aux affaires de terres, mais également pour déterminer qui serait le mieux à même d'occuper les fonctions de commissaire du gouvernement devant le tribunal. Mme Taubira avait proposé que cette fonction revienne à la direction des affaires foncières du territoire. En tout état de cause, la présence d'un commissaire du gouvernement, qui devra nécessairement être une personne qualifiée, bénéficiant d'une expertise en la matière, ne pourra qu'accroître à la fois la rapidité et la qualité des décisions rendues par la juridiction. Le principe d'impartialité exige toutefois que, dans le cadre des affaires de terres qui impliquent la Polynésie, les fonctionnaires désignés pour agir devant le tribunal foncier au nom du gouvernement de la Polynésie ne puissent exercer les fonctions de commissaire du gouvernement. Il est possible, à cet égard, de s'inspirer des attributions du commissaire du gouvernement auprès de la juridiction de l'expropriation dont la mission est confiée au directeur des services fiscaux dans le département. Je souhaite donc, avant d'envisager la suppression du commissaire du gouvernement, que nous puissions déterminer plus précisément les avantages et les éventuels inconvénients de cette fonction. La poursuite des échanges déjà entamés, le cas échéant à travers une mission ad hoc, me paraît à la fois nécessaire et utile pour la réussite de la réforme.

Pour ce qui est de l'amendement CL113, la compétence du tribunal foncier est déjà prévue par le I de l'article 17 de la loi du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, lequel prévoit qu'« il est institué à Papeete un tribunal foncier compétent pour les litiges relatifs aux actions réelles immobilières et aux actions relatives à l'indivision ou au partage portant sur des droits réels immobiliers ». Il ne m'apparaît donc pas nécessaire de modifier la loi. J'en profite pour rappeler l'engagement du Gouvernement pour permettre la mise en place du tribunal foncier, indispensable pour sortir de la situation que connaît actuellement la Polynésie en matière de contentieux des terres.

J'en viens pour finir à la rémunération des assesseurs, objet de l'amendement CL128. Les titulaires et suppléants qui siégeront au tribunal foncier sont agréés dans les conditions prévues par le statut d'autonomie de la Polynésie française, c'est-à-dire choisis par le collège d'experts composé de personnalités ayant acquis une compétence particulière en matière foncière. Ce collège propose à l'assemblée générale des magistrats de la cour d'appel des personnes qualifiées en matière de propriété foncière pour y être agréées comme assesseurs aux tribunaux statuant en matière foncière. Aux termes de l'article L. 52-9-7 du code de l'organisation judiciaire, les employeurs sont déjà tenus d'accorder des autorisations d'absence aux salariés de leur entreprise quand ces derniers sont assesseurs au tribunal foncier. De plus, la prise en charge des indemnités et des frais de déplacement des assesseurs relevant d'un décret spécifique, il n'est pas nécessaire qu'elle soit mentionnée dans la loi.

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