Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 9 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, notre délégation a souhaité organiser un colloque sur la place des femmes en politique. Je salue l'ensemble des députés et députées ici présents, ainsi que les personnes dans la salle. Après avoir hésité sur l'intitulé de cette table ronde, nous avons opté pour celui-ci : « Place des femmes en politique : encore un effort ! ». Nous verrons donc si des efforts restent à faire concernant la place des femmes en politique, après les progrès de ces dernières années.

Un rappel historique. À commencer par la célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791 dans laquelle Olympe de Gouges affirmait : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». La Révolution n'a donc pas donné le droit de vote aux femmes, et le code Napoléon a renforcé cette élimination des femmes de la vie publique en stipulant, en son article 1124, que « les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ». Le suffrage universel ne sera accordé qu'aux hommes en 1848, et il faudra attendre le XXe siècle pour que le droit de vote et d'éligibilité des Françaises soit instauré.

Dans l'entre-deux-guerres, le Sénat s'est opposé à l'inscription à son ordre du jour d'une loi, votée en 1919 à l'Assemblée nationale, octroyant le droit de vote aux femmes. Je ne peux résister à vous lire un florilège antiféministe de déclarations… Le sénateur Alexandre Bérard a cru bon de dire en 1919 : « Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l'arène politique ? Séduire et être mère, c'est pour cela qu'est faite la femme ». En 1932, Alain Calmel a dit la chose suivante : « Nous sommes disposés à accorder aux femmes tout ce que leur sexe a le droit de demander, mais en dehors de la politique ». Tout aussi étonnants les arguments d'un certain Raymond Duplantier qui disait ceci : « La plupart des femmes n'ont-elles pas des bouches trop petites pour qu'en puissent sortir les gros mots qui sont trop souvent la monnaie courante des discussions électorales ? » « Ces dames voudraient être députés ? Eh bien, non ! Qu'elles restent ce qu'elles sont : des putes ! »

Sous la IIIe République, deux arguments étaient avancés pour refuser le droit de vote aux femmes. Le premier : les femmes sont faites pour être mères et épouses, autrement dit leur rôle est de rester au foyer, or être élue députées les aurait amenées à sortir de leur foyer. Second argument : les femmes ne peuvent être autonomes car elles sont trop soumises au curé ou à leur mari, si bien qu'elles auraient voté comme leur mari ou les curés, ce qui aurait représenté un danger pour la République.

Sans des mouvements féministes et féminins, comme les Suffragettes – Hubertine Auclert et Louise Weiss notamment – les femmes n'auraient jamais obtenu le droit de vote. C'est l'ordonnance de 1944, signée par de Gaulle, qui a fini par accorder le droit de vote et d'éligibilité des Françaises. Depuis, il faut le dire, la place des femmes en politique a progressé.

Mais le constat est que sans la loi et la sanction, la place des femmes en politique n'avance guère. La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 est ainsi venue compléter l'article 3 de la Constitution en posant que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » – disposition que nous souhaiterions voir modifiée en « garantit l'égal accès… »

La parité introduite, les partis politiques ont été obligés de s'adapter pour les scrutins de liste – listes appelées « chabadabada ». C'est ainsi que la moitié des conseillers départementaux sont désormais des femmes, contre 13 % dans les conseils généraux auparavant, et qu'au niveau régional, on compte aujourd'hui 47,8 % de femmes conseillères depuis 2015, contre 27,1 % en 1988. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, soumises aux contraintes de la loi sur la parité, les femmes représentent désormais 49 % des conseillers. J'étais favorable aux scrutins paritaires pour toutes les communes, mais que d'arguments n'a-t-on entendus, en particulier sur l'absence de « vivier » de femmes ? Pourtant, les conseils municipaux fonctionnent très bien, avec des femmes très investies dans la politique municipale.

La représentation des femmes au Parlement a sensiblement progressé. Pour autant, elles ne sont que 27 % à l'Assemblée – leur nombre est passé de huit en 1958 à 155 aujourd'hui – et 25 % dans la Haute Assemblée, contre 17 % il y a dix ans. Pour les élections législatives, les partis qui ne présentent pas 50 % de candidats de chaque sexe doivent payer une amende, que nous avons renforcée. Ainsi, pour les prochaines élections de 2017, l'amende sera doublée en cas de non-respect de la parité par les partis politiques.

Reste un domaine où la parité n'avance pas : les exécutifs locaux. En effet, les hommes représentent 84 % des maires, 90 % des présidents de conseil départemental, 92 % des présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), et 91 % des présidents de conseil régional.

L'articulation entre « parité quantitative » et « parité qualitative » – c'est-à-dire la répartition sexuée des rôles et fonctions – est un enjeu important. Notons à cet égard que le gouvernement est paritaire depuis 2012 et que l'Assemblée nationale compte désormais autant de femmes que d'hommes à la présidence des commissions permanentes.

Les débats autour de la parité ont permis de rendre visible les inégalités dans la sphère publique, mais aussi dans l'ensemble de la société. S'interroger sur la place des femmes en politique conduit à s'interroger, d'une part, sur l'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle – les temps de vie et le partage des tâches familiales –, et, d'autre part, sur le sexisme en politique et dans le monde du travail. Ce continuum d'inégalités et de freins impose de mettre en oeuvre une action publique volontariste.

Pour débattre ensemble de ces questions essentielles, je suis très heureuse d'accueillir nos quatre intervenants, que je remercie chaleureusement d'être aujourd'hui parmi nous. Nous allons commencer par entendre Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste, avec laquelle j'ai eu plaisir à travailler aux droits des femmes lorsque j'étais dans l'opposition.

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