Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 12 mai 2016 à 16h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, vous avez engagé la responsabilité du Gouvernement en déclenchant avant-hier le 49.3 sur la loi « Travail ». Il n’y aura donc pas de débat parlementaire en première lecture. Ce n’est pas une bonne nouvelle.

Après des semaines de travail sur ce projet de loi, de très nombreuses auditions en amont et dans le cadre de la commission des affaires sociales, des heures de discussions entre les députés de tous bords les plus impliqués, et alors que ce texte avait déjà beaucoup évolué, nous nous préparions à poursuivre le travail dans l’hémicycle. Compte tenu des fortes inquiétudes soulevées par ce projet de loi qui traite entre autres de dialogue social et de négociation collective, il était nécessaire d’apporter des modifications ou des précisions sur certains points. Nous sommes désormais privés de cette possibilité.

Nous sommes victimes, c’est regrettable, d’injonctions contradictoires : pour la droite, ce texte est trop protecteur pour les salariés ; pour la gauche radicale, il serait trop favorable aux « patrons ». Pour ma part, je m’inscrivais dans une démarche volontaire, constructive, la plus mesurée et équilibrée possible, afin de faire en sorte que ce texte apporte de nouveaux droits et de nouvelles protections aux uns et aux autres. Car s’il existe bien une relation de subordination entre employés et employeurs, il en existe aussi une, et non des moindres, entre PME et donneurs d’ordre, sans compter la finance mondiale.

Nous avons participé à la redéfinition du licenciement économique. Nous voulions mieux encadrer la méthode et les règles d’élaboration ou de conclusion des accords d’entreprise pour impulser et sécuriser une nouvelle culture du dialogue social, pour des négociations loyales et équilibrées.

Nous voulions réaffirmer le rôle des branches professionnelles pour contrer le dumping social ou la concurrence déloyale dans un même secteur d’activité. Nous nous félicitions de la création du compte personnel d’activité et de son ouverture aux fonctionnaires, aux demandeurs d’emploi, aux professions libérales, aux agents des chambres consulaires et aux retraités.

L’augmentation des heures prévues pour la formation des salariés en reconversion ou des personnes en recherche d’emploi est un enjeu majeur pour lutter contre le chômage et pour favoriser la transition énergétique et écologique. À l’heure du numérique et des mutations économiques qui lui sont liées, il faut de nouvelles protections pour les salariés, tel que le droit à la déconnexion et l’encadrement du télétravail.

Oui, les écologistes sont favorables au dialogue social, à la démocratie sociale, et à la négociation au plus près des spécificités de la production et de l’organisation du travail, au plus près des acteurs concernés. Les écologistes souhaitent favoriser et renforcer la participation des salariés dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sont porteurs du modèle de l’économie sociale, où un homme – une femme – égale une voix.

Force est de constater que certains députés ne voulaient pas ouvrir ce débat-là et ont préféré se réfugier dans une opposition de principe, refusant même le compromis. Des centaines d’amendements de suppression ont été déposés, bloquant la discussion de fond sur des points essentiels du texte.

De son côté, le Gouvernement a commis des erreurs dès la rédaction, en omettant de discuter et de négocier avec les partenaires sociaux, en laissant fuiter un texte portant à confusion, en le retirant – pour le remettre en débat une fois modifié. Mais le coup était parti et la vague de protestation populaire, aux motifs parfois sans rapport avec le texte lui-même, a pu influencer une partie de la représentation nationale. Celle-ci y a vu une opportunité de déstabiliser le Gouvernement, à un an de l’élection présidentielle. Malgré la forte implication du rapporteur, Christophe Sirugue, pour trouver un nouvel équilibre, c’était trop tard : l’opinion « de tous contre tous » avait pesé sur les députés, à un an des élections législatives.

Quant à la dictature des sondages, ils se contredisent tellement que la pression qu’ils exercent n’est pas rationnelle. On nous dit que 70 % des Français seraient contre cette loi, alors même que 66 % d’entre eux se disent favorables à la proposition d’Alain Juppé de négocier la durée légale de travail entre 35 heures et 39 heures au niveau de l’entreprise !

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