Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du 4 mai 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Patrick Dehaumont, Directeur général de l'alimentation :

J'en viens aux relations avec les responsables des cultes. L'abattage rituel s'inscrit dans le cadre du droit d'exercice du culte, auquel font référence la Cour de Justice européenne et la Constitution. Par conséquent, d'une part, il est possible de déroger à l'abattage avec assommage dès lors que la réglementation européenne l'admet. D'autre part, nos relations avec les cultes s'exercent en lien avec le ministère de l'intérieur, l'objectif étant que les cultes puissent s'exercer conformément à la Constitution et que l'abattage rituel soit pratiqué dans le respect du décret de 2011 qui définit les règles applicables en la matière.

L'inspection systématique intervient, comme je l'ai expliqué, avant et après le poste d'abattage. Pour l'heure, à cet endroit précis, seul un contrôle par sondages est réalisé, ce qui renvoie à la responsabilité du professionnel. Il est essentiel que ce contrôle par sondages soit réalisé régulièrement et fasse l'objet de suites administratives ou judiciaires en cas d'anomalies. Bien évidemment, il faut veiller à renforcer la formation des personnels d'abattoir, mais également à rappeler au directeur ses obligations. Faut-il renforcer l'agrément spécifique sur ce poste ? Je pense qu'un effort de formation et de responsabilisation de chacun des acteurs est indispensable. Faut-il mettre un contrôleur derrière chaque acteur ? Je n'en suis pas sûr. Comme je l'ai dit, notre allocation de moyens est fonction des moyens disponibles, d'une part, et des missions obligatoires, d'autre part – nous sommes dans un cadre contraint.

Sur la formation du prix de la viande, je suis incapable de vous répondre. Mais nous pourrons vous fournir des éléments ultérieurement.

Les responsables de la protection animale, qui dépendent des abattoirs, peuvent-ils être des lanceurs d'alerte ? Ces personnels sont-ils suffisamment indépendants ? Il s'agit là d'un sujet difficile, mais nous devons travailler dans ce sens. Les personnels de base et les RPA doivent pouvoir lancer l'alerte, le directeur de l'abattoir doit exercer le contrôle sur ses personnels, et les inspecteurs doivent évidemment essayer de contrôler autant que faire se peut. Il faut garantir la protection des personnels qui peuvent, qui doivent alerter sur ces sujets. À l'issue du CNOPSAV de mars, le ministre avait annoncé un travail sur le renforcement des sanctions : ce travail est en cours avec le service des affaires juridiques, l'idée étant que toute la chaîne de décision au sein de l'abattoir – du directeur aux abatteurs – puisse être concernée par une mise en responsabilité. Pour l'instant, non seulement il faut prouver l'acte délictuel, mais la poursuite sur l'ensemble de la chaîne hiérarchique n'est pas possible. La protection assortie d'une sanction potentielle serait de nature, me semble-t-il, à permettre au RPA d'alerter en cas d'éléments anormaux.

Enfin, sur le droit de regard des éleveurs et des distributeurs, je ne sais pas comment cela pourrait être organisé, mais il est évidemment nécessaire d'apporter une garantie aux acteurs de l'amont et de l'aval : un éleveur n'a pas envie de voir maltraiter les animaux qu'il a élevés pendant des années, et un distributeur se doit d'offrir à son client des produits obtenus dans de bonnes conditions. La certification peut-elle répondre à cette double exigence ? Je ne le crois pas. Il y a une réglementation, qui doit être appliquée avec rigueur : les responsables d'abattoirs doivent être mobilisés sur le sujet, et nos services eux-mêmes doivent être mobilisés pour donner des suites, y compris pénales, aux affaires, ce qui suppose pour la justice de prononcer des sanctions exemplaires lorsque des infractions sont constatées. Cette piste me paraît préférable ; la certification, délivrée par un organisme extérieur qui de toute façon sera financé par l'abatteur, ne me paraît pas un outil vraiment opérationnel capable d'assurer un meilleur niveau de protection animale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion