Intervention de Antoine Comiti

Réunion du 27 avril 2016 à 16h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Antoine Comiti, président de l'association L214 éthique et animaux :

Voilà ce que l'on peut dire si l'on continue d'accepter l'idée qu'il faut continuer de tuer autant d'animaux chaque année, avec des méthodes industrielles. Mais est-il possible de tuer autant d'animaux à de telles cadences – encore une fois, plus d'un milliard d'animaux terrestres meurent dans les abattoirs de France chaque année – en tenant réellement compte de leurs intérêts, en prenant les précautions que l'on prendrait pour un animal familier ? Et je n'évoque ici que la mort elle-même, et non tout ce qui précède – le transport, l'attente…

Pourquoi les méthodes utilisées par les vétérinaires pour les animaux familiers ne sont-elles pas utilisées dans les abattoirs ? Hélas, on connaît la réponse : au rythme auquel il faut tuer ces animaux pour produire la viande au prix où elle peut être achetée, ce n'est pas possible. Mais la question se pose. On est bien loin de maltraitances individuelles qui seraient le fait d'employés déficients : il y a bel et bien une question structurelle, liée à la consommation de la viande.

Permettez-moi d'évoquer pendant quelques minutes la question des alternatives aux abattoirs. Certains jugeront peut-être que je m'éloigne de l'objet de votre commission d'enquête, mais je ne le crois pas : imagine-t-on qu'une commission d'enquête sur la mortalité routière ne puisse s'intéresser au transport par le train, par exemple, ou une commission sur le cancer du poumon s'interdise de se pencher sur les alternatives à la cigarette ?

Au sein de notre association, nous sommes presque tous végétariens, comme quelques centaines de milliers de Français. Si l'on pense, comme nous, que le nombre d'animaux abattus chaque année en France pose un problème structurel et qu'il n'est pas possible de tuer humainement tant de bêtes, alors il faut penser à consommer moins de viande, voire ne plus en consommer du tout. D'autres considérations, d'ordre écologique et même parfois sanitaire, conduisent à la même conclusion.

Il faudrait donc promouvoir les alternatives végétales, ainsi que la viande issue d'animaux abattus dans les moins mauvaises conditions, par l'étiquetage mais aussi par des mesures concernant la restauration collective, à l'instar de ce qui se fait pour promouvoir l'agriculture biologique. Une proposition de loi d'Yves Jégo vise à rendre obligatoire dans les cantines la proposition d'un repas végétarien. Un décret concernant les cantines impose, sans aucune justification, la consommation de produits animaux : il devrait être révisé.

Enfin, beaucoup s'inquiètent des conséquences sur l'emploi dans la filière d'une éventuelle diminution de la consommation de viande, et donc d'une diminution du nombre d'abattages. Mais il faudra bien toujours se nourrir : les métiers liés à l'alimentation continueront d'exister… Et rappelons que ces filières de production ont connu des réductions d'emplois drastiques au cours des dernières années, non pas en raison de l'action des militants végétariens que nous sommes, mais simplement parce que l'élevage s'est industrialisé.

Nous invitons toute la société à se projeter dans l'avenir. Les producteurs d'oeufs se plaignent d'avoir très récemment encore été invités à investir dans des cages d'élevage des poules en batterie, alors que la consommation de ces produits diminue très fortement, les gens préférant de plus en plus les oeufs de poules élevées en plein air. Les mêmes questions se posent pour la viande – à propos des méthodes d'abattage, mais pas seulement.

Merci encore de prendre au sérieux les intérêts des animaux, ce qui n'est pas évident dans le contexte politique actuel, malgré la popularité de la question dans l'opinion.

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