Intervention de Mathieu Pecqueur

Réunion du 4 mai 2016 à 18h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Mathieu Pecqueur, directeur général adjoint de Culture viande :

Ce que vous me dites me donne l'occasion de répondre à un éventuel étiquetage du mode d'abattage. Cette idée de transparence vis-à-vis du consommateur est séduisante et intellectuellement confortable ; toutefois, nous y voyons beaucoup d'effets pervers. La dérogation à l'obligation d'étourdissement est avant tout une question politique. La Commission européenne a prévu en effet des dérogations et la France a, comme d'autres pays, opté pour cette dérogation. Rejeter cette problématique sur l'étiquetage reviendrait quelque part à reporter la responsabilité sur les abattoirs et à leur faire payer les conséquences économiques.

Soyons clairs : pratiquer un abattage sans étourdissement est beaucoup plus compliqué pour les abattoirs. En cas d'abattage avec étourdissement, il se passe deux minutes entre la saignée et la zone d'égouttage, contre cinq minutes trente sans étourdissement. Autrement dit, sans étourdissement il y a ralentissement de la chaîne, ce qui a des impacts en termes économiques. Il ne serait donc pas logique qu'un abattoir pratique l'abattage rituel s'il n'avait pas la clientèle. Je le répète, pratiquer l'abattage sans étourdissement est techniquement difficile, et il est compliqué pour les salariés de gérer des quantités de sang plus importantes et des animaux qui peuvent continuer à bouger. Mais si nos outils ne pratiquent pas d'abattage rituel, le risque est de voir se développer l'importation de viande halal. Sommes-nous capables de parvenir à une conciliation collective sur ce sujet de l'abattage sans étourdissement sachant qu'une multitude de pratiques sont acceptées dans nos outils ? Dans certains endroits, en effet, on pratique l'étourdissement préalable parce qu'il est considéré comme réversible ; d'autres établissements sont capables de pratiquer du soulagement, c'est-à-dire un étourdissement post-jugulation pour que les animaux soient inconscients quelques secondes après la saignée. Voilà des solutions dont nous devrions être capables de discuter parce qu'elles sont plus favorables en termes de bien-être animal. Elles nous permettraient de rester positionnés sur le marché du halal dont nous avons besoin pour le marché intérieur mais aussi à l'exportation puisque nous fournissons les pays du Maghreb, les pays des Émirats arabes, etc. Il faudrait que le discours soit cohérent par rapport à ces pratiques. Reporter ce problème sur l'étiquetage revient à sortir d'une décision qui est avant tout politique.

La mise en place d'un étiquetage aurait pour conséquence l'arrêt de l'abattage sans étourdissement dans la plupart des abattoirs, compte tenu des contraintes économiques que cela entraînerait. Même si un décret prévoit qu'il est indispensable de répondre à une commande dès lors que l'on abat un animal sans étourdissement, on sait très bien que les pratiques du culte font qu'une partie de l'animal ou certaines carcasses ne seront pas validées viande halal par les cahiers des charges et qu'elles devront du coup passer dans le circuit conventionnel. Mais si elles sont étiquetées « abattage sans étourdissement », je ne trouverai pas de distributeur pour les commercialiser. Il faut donc prendre le problème à la base : est-on capable de mettre en place des bonnes pratiques permettant le soulagement des animaux, tout en correspondant au cahier des charges de l'abattage rituel ?

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