Intervention de Carlos Tavares

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Carlos Tavares, président du directoire de PSA :

Je vais essayer de répondre à vos questions dans l'ordre où elles m'ont été posées.

Vous m'avez d'abord interrogé sur la fraude de Volkswagen. Évidemment, comme beaucoup d'autres dirigeants d'entreprises automobiles, j'ai été surpris, choqué par ce qui s'est produit. Et je voudrais le relier à certains des propos que j'ai tenus pendant mon exposé, à savoir que la stratégie qui consiste à faire en sorte d'être le plus gros ne fonctionne pas. On l'a observé non seulement avec le groupe Volkswagen, mais également avec d'autres entreprises – une grande entreprise japonaise et une grande entreprise américaine. Au cours des vingt ou trente dernières années, toutes les grandes entreprises automobiles qui se sont fixé comme stratégie d'être les plus grosses ont connu de graves dysfonctionnements : soit des fraudes, comme celles que vous avez mentionnées pour Volkswagen, soit de gravissimes problèmes de qualité, ce qui est le cas pour les autres.

Cette affaire a donc fini par me convaincre que la croissance n'est jamais que la conséquence juste et heureuse de la satisfaction des clients, mais ne peut pas être une fin en soi. Il faut donc rester concentré sur l'essentiel : la qualité, l'éthique et le respect des règles qui nous sont imposées par les sociétés dans lesquelles nous opérons. Il est important de le comprendre.

De fait, cette affaire de fraude a eu un grave impact et a causé un lourd préjudice à l'ensemble de l'industrie automobile, et en particulier à PSA qui est le leader des émissions de CO2 sur le marché européen, ce qui nous a beaucoup chagrinés et préoccupés.

La meilleure réponse que nous ayons trouvée pour essayer de préserver la confiance de nos consommateurs a été l'initiative soulignée par Mme la rapporteure. Une ONG étant plus crédible qu'un constructeur aux yeux des consommateurs, nous avons soumis à l'une d'entre elles l'idée de définir un protocole de mesure de la consommation – qui est proportionnelle aux émissions de CO2 – et de faire en sorte que le cycle de mesure soit totalement représentatif des usages clients.

Nous avons défini ce protocole au cours du premier trimestre 2016, et nous l'avons officiellement présenté dans le cadre du Salon de Genève en début mars 2016. Nous sommes actuellement en train de le mettre en oeuvre. Il s'agit de mettre à la disposition de nos clients toute une série de mesures qu'ils pourront visualiser sur le site de Transport & Environnement d'ici aux prochains congés d'été. Ainsi, progressivement, les consommateurs pourront prendre connaissance de ces informations.

Je m'empresse de dire que ce protocole de mesures repose sur une heure et demie d'essais et 90 km de mesures, plutôt que sur quelques minutes d'essais et 11 km de mesures, sur le cycle simplifié de la norme actuelle. Le dispositif a été placé sous le contrôle de Bureau Veritas, en ce qui concerne le respect strict du protocole de mesures, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté.

L'avenir nous dira si cela a été, on non, une réussite. Reste que nous avons essayé d'être à la fois proactifs en prenant les devants pour construire cette démarche avec une ONG, et transparents en montrant les mesures que nous avons effectuées nous-mêmes. Nous souhaitons ainsi préserver, et si possible renforcer encore, la confiance des consommateurs dans nos marques et dans notre entreprise.

La DGCCRF a fait son travail. Elle est venue demander des informations et interroger nos techniciens. Nous avons bien évidemment mis à sa disposition tous les documents et toutes les équipes. Jusqu'à présent, nous avons eu, comme avec toutes les commissions qui ont été nommées, et notamment la commission Royal, un dialogue constructif, transparent, techniquement circonstancié sur la manière dont fonctionne notre dispositif de traitement des émissions.

En particulier, sur les NOx, nous avons une excellente conformité par rapport aux règles et aux cycles qui nous sont demandés. Et je crois que nous avons fait la démonstration que le système SCR (Selective Catalytic Reduction) que nous utilisons est celui qui a aujourd'hui, du point de vue technologique, les meilleures performances sur le marché, même si on peut reconnaître qu'en valeur absolue, ce n'est pas suffisant. D'ailleurs, plus on se rapproche de l'utilisation réelle du véhicule par le client, plus cette technologie fait la différence par rapport aux autres technologies et par rapport à nos concurrents, en particulier sur un aspect qui est très important, à savoir la plage de température pendant laquelle ce système est actif. Donc, non seulement nous sommes conformes aux réglementations, mais nous sommes parmi les plus performants, sinon les plus performants en utilisation qui se rapproche de la réalité du client.

Maintenant, vous m'avez demandé si « Push to Pass » regardait suffisamment loin. Vous avez raison car c'est fondamental. Il est exact que nous avons limité notre plan à six ans, soit un peu plus que la durée actuelle des plans des grandes entreprises, qui durent entre trois et cinq ans. Il est exact aussi que la question à laquelle nous ne pouvons pas répondre, et à laquelle nous ne pouvons répondre qu'en travaillant ensemble, c'est celle de la place des objets de mobilité dans la société. En particulier, la différence qui va inévitablement apparaître entre les milieux urbains et non urbains, relèvera assez rapidement de l'aménagement du territoire. Mais face à toutes les interrogations qui vont se faire jour, le groupe PSA veut se positionner comme un apporteur de solutions.

Pour que nous soyons un apporteur de solutions, il faut que l'on puisse visualiser ensemble, dans une perspective d'aménagement du territoire, comment nous voyons la place des objets de mobilité dans la société, dans les milieux urbains, dans les milieux non urbains, dans les milieux périurbains, et comment nous voyons la coexistence des objets de mobilité avec d'autres formes de transport. Mais il faut reconnaître que les constructeurs automobiles, qui peuvent avoir des idées et qui emploient des gens très talentueux, n'ont pas de visibilité au-delà du moyen terme.

Cela étant, je tiens à faire état de la disponibilité du groupe PSA pour réfléchir avec les autorités et les administrations qui voudraient bien se pencher sur la place des objets de mobilité dans la société, qu'elle soit urbaine ou non-urbaine. Il y a là matière à un travail constructif et prospectif de qualité qui, à coup sûr, nous emmènera au-delà de la perspective de 2021, comme vous l'avez souligné à juste titre.

J'en viens à la question des sites en France. Vous m'avez demandé ce qui se passerait au-delà de 2016, qui est en effet la dernière année de l'actuel contrat social que nous avons signé avec nos partenaires. Il se trouve qu'à l'heure même où je vous parle, nous sommes en train de construire avec nos partenaires ce que nous appelons le « Nouveau contrat social 2 ». Pour ma part, je préfère parler d'un travail de co-construction de l'avenir avec nos partenaires sociaux, qui consiste à partager de manière très simple, transparente et respectueuse les enjeux de l'entreprise, laquelle se protège elle-même par sa performance. En d'autres termes, la protection de l'entreprise est la conséquence naturelle de la performance qui va générer sa prospérité et son avenir.

À l'issue des discussions qui vont se dérouler ces prochaines semaines, nous aurons – du moins, je l'espère – conclu un accord avec nos partenaires sociaux. Mais encore une fois, je préfère parler de co-construction de l'avenir que de dialogue social ou de contrepartie. Car finalement il n'y a pas véritablement de contrepartie, mais la volonté de construire un avenir qui soit aussi prospère, aussi souriant que possible et faire en sorte que chacun, à sa place, puisse y participer. Je pense qu'il y a une véritable complémentarité à rechercher, plutôt qu'une opposition. En tout cas, c'est comme cela que nous avons vécu le premier contrat social. C'est comme cela que s'engagent les discussions du deuxième. J'espère que nous aurons l'opportunité d'en rediscuter tous ensemble lorsque cette démarche se sera conclue. En tout cas, je peux vous dire que cela a très bien démarré, et que l'on se comprend sur ce qui constitue aujourd'hui les enjeux de l'entreprise pour l'avenir.

Vous m'avez demandé ce qu'il fallait penser du CIR. C'est un excellent outil. Selon les années, il représente entre 80 et 100 millions d'euros pour l'entreprise. C'est donc une somme très conséquente, qui participe de manière concrète au fait que nous gardons en France la partie la plus noble de notre R & D, à savoir l'Advanced Engineering, c'est-à-dire toute la partie amont de l'ingénierie, où nous concevons les nouvelles technologies, les nouveaux objets, les nouveaux services et les nouveaux équipements.

Nous la développons en France, et c'est ce que nous voulons. L'une des raisons tient au crédit impôt recherche. L'autre raison, c'est qu'ainsi nous utilisons au mieux l'excellence de notre système éducationnel scientifique français. Ce système produit d'excellents techniciens et ingénieurs. Voilà pourquoi nous avons une force qui s'appelle l'ingénierie de PSA. Nous comptons continuer à utiliser cette force qui résulte de l'excellence du système éducationnel français et du CIR, pour continuer à développer toutes les technologies d'avant-garde – dont le véhicule autonome, l'électrification des groupes motopropulseurs et tout ce qui touche à la connectivité.

Ensuite, vous m'avez interrogé sur la neutralité fiscale et sur la vitesse à laquelle on évoluait vers cette neutralité. C'est une question à la fois sensible et importante. Gilles Le Borgne vous a expliqué qu'une nouvelle norme d'émission entraînait à peu près un milliard d'euros de dépenses, et qu'il était difficile pour nous de nous adapter sans conséquence à des changements plus fréquents qu'une nouvelle norme tous les cinq ans.

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