Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 17 mai 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Permettez-moi tout d'abord de revenir sur l'utilisation que font le ministre et certains collègues de la permanence de la menace terroriste. Plus on dira que la menace terroriste se renforce, ce qui est vrai, et moins il sera aisé de justifier la levée de l'état d'urgence. Or, on a tant convaincu les Français qu'il n'existe pas d'autre moyen que l'état d'urgence pour lutter contre le terrorisme que, le jour où il faudra y mettre un terme, il sera très difficile d'expliquer à l'opinion publique que les services de police continuent néanmoins de travailler et que notre pays est en sécurité. Certes, la menace persiste, incontestablement, mais il me semble délicat d'en faire un argument, car elle ne s'éteindra pas le 27 juillet au matin.

D'autre part, à l'Euro et au Tour de France succéderont d'autres événements symboliques qui rassemblent des foules, qu'il s'agisse des fêtes de Bayonne, de la rentrée des classes, du 11 novembre ou que sais-je encore. Dès lors, la prorogation de l'état d'urgence ne saurait se justifier par le calendrier. De ce point de vue, monsieur le ministre, la cohérence de votre argumentation ne me semble pas si solide.

Troisièmement, je ne comprends pas pourquoi vous renoncez aux perquisitions administratives. De deux choses l'une : soit celles effectuées après la décision que le Conseil constitutionnel a prise de censurer la possibilité d'effectuer des saisies de données informatiques étaient inutiles, auquel cas il ne fallait pas les faire, soit elles étaient utiles, auquel cas il faut les poursuivre. Contrairement à M. Larrivé, j'estime que, lorsqu'une information concernant un projet d'attentat apparaît, rien n'empêche de saisir un juge pour qu'il ouvre une information judiciaire spécifique et ordonne une perquisition judiciaire chez la personne visée. Cependant, le Gouvernement, puisqu'il souhaite proroger l'état d'urgence – ce à quoi je ne suis pas favorable –, devrait maintenir, par cohérence, la possibilité d'effectuer des perquisitions administratives. Pourquoi abandonner cette disposition, même s'il n'est plus possible de saisir toutes les données informatiques ? Comme vous l'avez-vous-même indiqué, monsieur le ministre, les perquisitions servent notamment à lever des doutes et à saisir des armes.

J'en viens aux manifestations. Sous la Ve République, le droit de manifester n'est pas un droit constitutionnel. C'est la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit la liberté de manifester ses opinions et impose aux pouvoirs publics le devoir d'organiser cette liberté si elle s'exprime dans le cadre de manifestations sur la voie publique. Néanmoins, la jurisprudence française et européenne prévoit clairement que ce droit de manifester peut être suspendu en cas de menace grave à l'ordre public ou si aucun dispositif policier n'est susceptible de contenir la manifestation en question. Autrement dit, monsieur le ministre, il y a là un problème non pas de principe, mais d'appréciation des circonstances.

De ce point de vue, je reconnais volontiers que le ministre de l'Intérieur est mieux placé que le vice-président de la commission des Lois pour apprécier la gravité du risque que présente pour l'ordre public telle ou telle manifestation et pour constater que des dispositifs policiers sont ou non capables de la contenir. Je constate simplement que les manifestations qui se déroulent depuis quelques jours donnent systématiquement lieu à des débordements, que les forces de l'ordre sont toujours mises en difficulté et que des policiers sont à chaque fois blessés. Sans méconnaître les garanties des droits fondamentaux qui existent dans notre pays, c'est en me fondant sur ce constat que je vous ai demandé d'ordonner aux préfets d'interdire ces rassemblements qui menacent la sécurité de nos concitoyens et placent les forces de l'ordre dans une situation extrêmement difficile, comme en attestent les incidents sur lesquels Mme Appéré vous a interrogé lors des questions d'actualité et les débordements qui ont lieu en ce moment même à Paris. En effet, je ne crois pas que les dispositifs ordinaires permettent d'y faire face.

Enfin, l'utilité opérationnelle des gardes statiques effectuées dans le cadre de l'opération Sentinelle a souvent été mise en cause : avez-vous décidé d'y mettre fin ? Que pouvez-vous nous dire de cette opération Sentinelle, dont la première conséquence est un affaiblissement sans précédent du moral des troupes qui y participent ?

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