Intervention de Dominique Potier

Réunion du 17 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis :

J'ai déjà souligné nos convergences avec le Gouvernement sur les questions agricoles ; sur les dispositions relatives à l'artisanat et aux petites entreprises, nous sommes sur la voie de la convergence. S'agissant de dispositions qui ne sont pas au coeur de la loi, le débat gagnerait à ce que nous parvenions à trouver des points d'accord en commission afin de présenter des amendements d'appel auxquels le Gouvernement puisse répondre. De la sorte, la séance pourrait être consacrée au sujet essentiel de la loi Sapin II : la lutte contre la corruption et la finance déloyale.

Le ministre a mentionné des amendements du rapporteur, qui visent à revaloriser le SPI, à le replacer logiquement avant l'immatriculation et à souligner l'importance d'une validation des acquis de l'expérience nouvelle formule par laquelle seraient reconnus le talent et l'énergie de toute une catégorie sociale de jeunes entrepreneurs détenant des savoir-faire, mais auxquels il manque une qualification. Si nous réussissons à instaurer une logique de transition et de passerelle entre les différentes économies, nous ne les opposerons pas, et nous permettrons à ceux qui sont aujourd'hui exclus du monde du travail et de l'entreprenariat d'y entrer, à leur juste place, sans dévaloriser ceux qui ont obtenu un diplôme et qui ont emprunté d'autres chemins.

Sur les sujets agricoles, nous n'en sommes pas au Grand Soir de la réforme de la loi de modernisation de l'économie, même si, à de multiples reprises au cours de ce mandat, nous avons souhaité revenir sur ce texte et dénoncé ses effets pervers. La logique du pouvoir d'achat tire les prix vers le bas au bénéfice des consommateurs, à court terme, mais joue en défaveur de l'économie réelle qui est l'âme de nos territoires. Les travaux commandés par les ministres de l'économie et de l'agriculture sur ce sujet devraient être rendus en fin d'année. À chaque fois que nous pourrons revenir sur les effets délétères de la LME, nous le ferons.

Nous entendons bien franchir d'autres étapes avec le projet de loi Sapin II, et remettre de la transparence, de l'équité et de la justice dans le dispositif de la LME. Cependant, s'agissant de débats qui ne pourront pas être tranchés aujourd'hui, et en présence de propositions péchant par manque de réalisme, je vous inviterai à vous rallier à un amendement du rapporteur qui constituera un appel fort au Gouvernement à se prononcer sur des sujets d'avenir comme les contrats de filières, que nous pourrions baptiser contrats tripartites, ou la pluriannualité. En séance, sur ce texte, et dans les dernières lois de finances de cette législature, je souhaite que nous puissions privilégier un certain type de rapports commerciaux. Nous aurions ainsi introduit un logiciel de transition qui, à défaut du Grand Soir, constituerait un petit matin du changement pour davantage d'équité et de justice envers ceux qui entreprennent dans ce pays.

Dans le monde agricole, la question du foncier domine toutes les autres, car elle peut structurellement handicaper le modèle français. Notre négligence commune en la matière a ouvert des brèches que nous avions largement signalées dans la loi d'avenir agricole. Des événements spectaculaires, comme la captation par des sociétés d'investissement – et peu m'importe qu'elles soient d'origine chinoise, française ou australienne – de 1 700 hectares, dans le Berry, ont constitué une alerte forte sur ce sujet. Nous sommes aujourd'hui, en quelque sorte, des « lanceurs d'alerte » concernant l'emprise de sociétés spéculatives sur le foncier français. Je vous proposerai d'adopter des amendements afin d'ouvrir le débat sur ce sujet en séance. Il est urgent d'affirmer que l'espace rural français n'est pas un supermarché, de faire évoluer le droit pour assurer la protection du foncier, problème derrière lequel se trouvent la biodiversité, la valeur ajoutée, l'emploi, le réseau et l'aménagement du territoire. Nous devons aller aux limites qu'impose la Constitution pour retrouver du droit dans un domaine qui ne peut pas être dérégulé pour être abandonné à un libéralisme sauvage.

Le projet de loi Sapin II pourrait ainsi, de façon très symbolique, mettre des limites à la concentration capitalistique et au jeu de la finance, au nom d'une saine économie qui permet à une génération d'agriculteurs d'en remplacer une autre pour remplir sa mission sur nos territoires et pour l'alimentation de la planète.

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