Intervention de Dominique Potier

Réunion du 17 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis :

J'ai dit, avant que nous n'entamions l'examen des articles, combien la question de la régulation du foncier était importante. Nous partageons avec le ministre de l'agriculture l'objectif de revenir sur les dispositions de 2006. Les événements de l'Indre nous ont alertés. Je soutiens, sur ce sujet, les amendements CE271 rectifié et CE261 qui résultent de la mobilisation de députés issus de tous les bancs de notre assemblée.

J'insiste sur le fait que la nationalité des investisseurs n'est pas en cause, même si l'émoi suscité peut-être légitime. Le problème tient bien à l'opacité des opérations. D'une certaine façon, les pouvoirs publics ont été spectateurs d'une captation de foncier par des sociétés d'investissement qui ont utilisé toutes les failles de la loi d'avenir pour l'agriculture. Le côté spectaculaire et provoquant de l'opération récente nous invite à réagir.

Lors d'une audition de préparation du projet de loi Sapin II, avec Mme Brigitte Allain, MM. Yves Daniel, Paul Molac et d'autres députés, nous avons réuni dans une même salle tous les syndicats agricoles, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et la fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSAFER), à qui nous avions demandé de faire remonter des propositions pour ouvrir le débat sur le foncier, dont on sait que le marché fonctionne selon deux poids deux mesures. Il s'agit d'apporter de l'équité et de la transparence. Certaines sociétés sont opaques et ne permettent pas la préemption par la puissance publique par l'intermédiaire des SAFER. Les voies de contournement sont multiples, mais celle-là est majeure.

Les deux amendements que je soutiens sont donc issus d'un travail de concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Ils donneront sans doute lieu à des débats en séance, mais je propose que nous marquions dès aujourd'hui notre volonté d'agir. Un sentiment d'impuissance en la matière serait délétère. Outre la captation d'hectares de foncier, il faut mesurer l'effet sur l'ensemble de l'économie. Dans l'Indre, des transactions se sont opérées au triple du prix du marché, alors qu'un tel phénomène est signalé plutôt dans les zones à forte valeur ajoutée – vignobles, zone périurbaine, zones frontalières. Une telle surévaluation des biens fonciers n'est supportable par aucun exploitant ni aucun jeune agriculteur.

L'amendement CE271 rectifié vise à rendre obligatoire la délivrance d'une nouvelle autorisation d'exploiter à chaque fois qu'une société change de main. Le contrôle se ferait donc par l'autorisation de travailler sur les terres.

L'amendement CE261 supposerait de spécialiser les sociétés portant du foncier en fonction de leur capacité à être contrôlées et préemptées par la SAFER. Cela supprimerait l'inégalité actuelle qui permet tous les trafics et dénature profondément l'esprit des régulations mises en place de façon immémoriale par des logiques patrimoniales, et, de façon plus sociale, par les lois Pisani d'après-guerre, qui ont visé à équilibrer le pouvoir entre le propriétaire de la terre et l'exploitant. Elles ont permis de garantir, autant que possible, le renouvellement des générations. Il ne s'agit pas de freiner l'entreprise, mais, au contraire, de favoriser la capacité d'entreprendre de tous ceux qui veulent nourrir la terre.

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