Intervention de Dominique Potier

Réunion du 17 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis :

Monsieur Jean-Luc Laurent, si une commune, dans le cadre de ses prérogatives, souhaite acquérir du foncier, elle s'entend avec la SAFER. Ce sont là des acquéreurs qui essaient d'agir dans l'intérêt général.

Les questions de M. Antoine Herth et de Mme Catherine Vautrin méritent des réponses précises. Oui, il y a un problème de portage du foncier en agriculture. L'intervention de spéculateurs, ayant un horizon d'investissement de trente ans, voulant recycler des fonds acquis dans d'autres domaines peut tripler le prix de terres normalement vendues à 3 000 ou 5 000 euros l'hectare. Leur logique n'est pas du tout celle de l'exploitant, qui doit payer un loyer, faire avec le cours du lait, de la viande ou des céréales.

Jusqu'à présent, le marché du foncier agricole s'est efforcé, bon an mal an, de coller à la réalité de l'économie agricole. Aujourd'hui, spéculant sur le fait qu'il faudra nourrir 10 milliards d'individus en 2050, des personnes introduisent des logiques de production incompatibles avec notre souci d'un développement équilibré des territoires, d'une logique de coopération. Les logiques financières visent à extraire la valeur ajoutée de nos territoires pour l'exporter au service d'autres finalités. La question du portage du foncier n'est pas réglée par l'intervention de ce type de porteurs de capitaux.

En revanche, je milite comme vous pour que familles, amis et citoyens investissent dans le foncier. Je suis fier d'être, avec d'autres, à l'origine d'un groupement foncier agricole (GFA) de 150 citoyens, qui a reconquis plusieurs hectares de terres viticoles des Côtes-de-Toul et installé, grâce à un portage foncier coopératif, deux jeunes viticulteurs, avec une insertion et des contrats commerciaux à la clé. C'est une belle histoire. Je suis pour que l'on favorise un investissement foncier régulé, et non pas sauvage comme dans l'Indre.

Je veux rassurer Mme Catherine Vautrin à propos de l'amendement CE261. Il s'agit de dire, que lorsqu'un intervenant extérieur, fonds de pension ou autre, prendra le contrôle d'une société, qu'elle soit française ou chinoise, qui détient plusieurs milliers d'hectares, alors l'autorisation d'exploiter pourra être réexaminée. Si la finalité de la société reste de faire travailler les dix agriculteurs établis sur ces terres, personne n'y verra aucun inconvénient. S'il s'agit, en revanche, de mettre ce foncier dans des circuits douteux, alors nous pourrons l'empêcher. C'est tout. Le travail des commissions départementales d'orientation agricole (CDOA) réformées est de déterminer qui peut en priorité exploiter des terres. La menace de l'intervention de la SAFER ne vise qu'à réguler le marché, elle n'a pas vocation à être pérenne.

M. Antoine Herth soulignait la difficulté de prendre des parts de sociétés qui possèdent autre chose que du foncier agricole. Si je n'ai pas déposé d'amendement, c'est que la profession agricole s'est elle-même saisie de la difficulté. Souvent, les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) possèdent du foncier, mais aussi des bâtiments, des salles de traite, des troupeaux. Comment une SAFER peut-elle intervenir ? La spécialisation des sociétés aura des conséquences sociales et fiscales importantes, ces sujets ne peuvent donc être abordés à la légère.

J'ai proposé, avec l'amendement CE261, une logique de contrôle par l'usage des terres. Pour ce qui est de l'amendement CE271 rectifié, je l'ai assorti d'une prudente référence à un délai fixé par voie réglementaire pour laisser le temps de s'assurer de sa solidité juridique et constitutionnelle. Il vise à ce qu'aucune société possédant du foncier n'échappe au radar. Aujourd'hui, il y a deux poids, deux mesures. C'est comme si, sur la route, un véhicule dépassant la limite autorisée de 10 kilomètres heure devait en rendre compte, alors que des poids lourds roulant à 200 kilomètres heure ne sont pas contrôlés par le radar. En l'état de la loi, ces véhicules ne sont pas hors-la-loi ; ce sont même les principaux vecteurs des agrandissements. Nous ne sommes pas contre les agrandissements, mais nous voulons continuer à contrôler ce qui se passe sur notre territoire, au service des agriculteurs de notre pays.

Le ministre de l'agriculture a insisté sur le fait que, grâce aux dispositions de la loi d'avenir pour l'agriculture, nous sommes informés, mais nous sommes des spectateurs impuissants, qui ne peuvent pas intervenir. Il a demandé au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux de chercher des solutions. Sans doute pourra-t-il nous faire des propositions en séance, et nous pourrons nous entendre.

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