Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 18 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

Je veux tout d'abord saluer le travail parlementaire de Monsieur André Chassaigne et lui rendre hommage pour ce travail de fond, qui est fidèle à sa doctrine. À travers la lecture de l'exposé des motifs de la proposition de loi, on comprend que les auteurs dénoncent à la fois la dérégulation des marchés, l'ouverture des échanges mondiaux, le développement d'une agriculture agro-industrielle, la domination des distributeurs, et un cadre législatif et réglementaire au service de l'aval et de la grande distribution. Le groupe de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) partage certaines de ces préoccupations, mais estime que les propositions qui sont apportées par les trois articles de cette proposition de loi ne sont pas les bonnes. Nous ne partageons pas le choix des outils ou les messages véhiculés dans ces articles. Nous pensons que la globalisation des échanges s'impose à nous. En tant que porte-parole du groupe UDI, je tiens à rappeler que l'agriculture française serait dans une situation catastrophique sans la politique agricole commune de l'Union européenne. Dans un monde ouvert, où les échanges sont globaux, nous serions inexistants et nous courrions à notre perte.

Le modèle agricole que nous défendons – et cela a été le sens des préconisations de la mission d'information sur l'avenir des filières d'élevage, travail de six mois mené avec Mme Annick le Loch et M. Damien Abad, dont les soixante propositions ont été adoptées à l'unanimité de la commission des affaires économiques – est le suivant : il s'agit de faire cohabiter en France différents modèles agricoles, qu'ils soient conventionnels, biologiques, à circuits courts ou agro-industriels. Il faut valoriser ces modèles par une montée en gamme pour répondre à une demande à l'export. Par ailleurs, sur le marché national, les relations commerciales doivent être rééquilibrées au profit des producteurs : je partage à cet égard la préoccupation du rapporteur André Chassaigne. Depuis quarante ans, la France a fait la part belle aux centrales d'achat et à la grande distribution. Je m'étonne que l'Autorité de la concurrence ne s'émeuve pas davantage qu'il n'y ait que quatre centrales d'achat en France. Cela a fait l'objet d'un amendement défendu cette nuit, dans les débats relatifs à la loi Sapin II. Je sais que Monsieur André Chassaigne est assidu aux travaux de la commission et de l'hémicycle sur les questions agricoles ou agroalimentaires, et je pense qu'il pourrait utiliser le texte de loi Sapin II pour porter les messages et faire aboutir les problématiques exposées dans sa proposition de loi.

En ce qui concerne l'organisation d'une conférence annuelle de négociation interprofesionnelle, j'ai été attentif à ce qu'a dit M. Dominique Potier, rapporteur pour avis du projet de loi Sapin II, lors des discussions de la nuit dernière. Je l'ai senti sincère dans ses réponses, et animé de la volonté de faire aboutir la cause au service des agriculteurs et de l'agriculture française. Une conférence annuelle interprofessionnelle qui viserait à s'entendre sur les prix – et non pas uniquement sur la stratégie de filière partagée par l'amont et l'aval au sujet du diagnostic et des enjeux – n'est pas viable au niveau du droit européen. C'est ce que les acteurs des filières ont cherché à faire cet été, en fixant un prix politique pour le lait de 340 euros la tonne et un prix politique pour le porc de 1,40 euro le kilo. Quelques semaines plus tard, il a été reproché au ministre d'avoir décrété un prix qui ne pouvait tenir. Le prix ne peut pas être politique, ni fixé dans un ministère rue de Varenne.

Pour ces raisons, je mets l'auteur de la proposition de loi en alerte au sujet de l'article 1er. Au sujet de l'article 2, relatif au coefficient multiplicateur, et comme Monsieur Antoine Herth l'évoquait tout à l'heure, cela rejoint les débats que nous avons eus cette nuit, sur la connexion entre les coûts de production, la marge des éleveurs, et les prix à la vente. Il s'agit de connecter le prix de la production des produits agricoles au prix payé par les consommateurs. L'article 3 demande lui aussi une connexion réelle entre l'amont et l'aval de la filière. Voilà les messages que je souhaitais délivrer au rapporteur. Il s'agit d'abord d'un message d'encouragement et de respect pour le travail réalisé. Mais il s'agit aussi de l'affirmation que cela est contraire à notre vision de l'agriculture et de la filière agroalimentaire en France et en Europe, qui, selon nous, s'appuie sur deux leviers : le marché national – structuration de la filière, rééquilibrage des relations commerciales au profit de l'amont – et le marché à l'export – montée en gamme pour que le marché à l'export tire la production.

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