Intervention de David Mangin

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

David Mangin, urbaniste :

Je me suis intéressé aux questions d'urbanisme commercial dans un premier ouvrage, intitulé La ville franchisée, dans lequel j'essaie d'analyser le développement des périphéries, ces trente dernières années, pas uniquement en France.

Je me suis également occupé, pour le ministère, d'un programme sur l'urbanisme commercial, centré sur dix villes. J'ai coordonné ce programme, qui a donné lieu à un petit ouvrage, intitulé Du Far West à la ville.

J'ai été appelé à travailler, dans le cadre de mon activité professionnelle, sur des centres-villes qui ne se portaient pas bien. Nous avons engagé un programme, dans le cadre d'un enseignement que nous faisons à Marne-la-Vallée, sur dix villes moyennes.

Si l'on veut remédier à la situation préoccupante du commerce en centre-ville, il faut la connecter à d'autres questions. M. Gérard Atlan a dit tout à l'heure qu'il fallait parler des clients. Les clients, ce sont des résidents, des visiteurs, des touristes. Par conséquent, outre le fait d'améliorer et de moderniser le commerce, il faut d'abord se demander comment faire pour que ce soit confortable. Est-ce uniquement en parachutant en centre-ville les procédés de la grande distribution et en faisant des rues franchisées qu'on va résoudre le problème ? C'est un peu plus complexe.

Nous avons pris des indicateurs dans la dizaine de villes sur lesquelles nous essayons de construire des projets et de trouver les bons effets de levier. Nous nous sommes aperçus, par exemple, que le chômage, la vacance commerciale, la vacance résidentielle et le modèle économique de la ville pouvaient varier. Certaines villes sont très dépendantes de l'emploi public, tandis que d'autres ne dépendent plus que d'une entreprise. Tout cela est donc extrêmement fragile.

Pour faciliter la discussion, on emploie le terme de « centre-ville », mais il faudrait trouver d'autres termes, parce qu'on est peut-être arrivé à la notion de « péricentres », si l'on tient compte de l'endroit où habitent les gens et de l'endroit où ils consomment aujourd'hui, du rôle des centres, de leur taille.

Du point de vue urbanistique, ces centres peuvent être très compacts ou beaucoup moins, ils peuvent occuper un carrefour routier, ils peuvent aussi être soumis à la question patrimoniale, ce qui peut être un avantage ou un inconvénient. C'est tout cela qu'il faut prendre en compte.

Je vais vous donner quelques pistes simples.

La question de la grande distribution reste centrale. J'essaie de convaincre les grandes surfaces qu'un certain nombre de centres commerciaux, qui sont maintenant gagnés par les faubourgs des villes, doivent se transformer et accepter de sortir du modèle no parking, no business, afin que des logements puissent être construits à la place des parkings.

Ils ont accepté très difficilement que les transports en commun et les tramways arrivent à leurs parkings. Au bout du compte, ils s'y sont faits. Il y a déjà des centres commerciaux qui font ou qui devraient quasiment faire partie du centre-ville, participant ainsi à la synergie des itinéraires commerciaux entre les rues commerçantes et les centres commerciaux.

En ce qui concerne la grande distribution, à mon avis, c'est toujours la même affaire, quoi qu'on en dise : toujours plus loin, toujours plus grand, ce qui casse toujours plus le centre-ville. En dépit des paroles vertueuses, la pratique reste bien celle-là.

Par ailleurs, l'une des ressources de ces centres est le tourisme. Il faut travailler à élargir les itinéraires touristiques, les rendre confortables, ne pas les limiter aux deux croisées des rues les plus anciennes. Il faut réfléchir à la façon de fabriquer du loisir et étendre la zone de chalandise ou de déambulation.

J'en viens à la question des rez-de-chaussée, qui sont le lieu privilégié du commerce. C'est un sujet de préoccupation, car le commerce a besoin d'un effet de « souk », d'une continuité commerciale. C'est aujourd'hui un problème général d'urbanisme, on ne sait pas bien traiter les rez-de-chaussée. Faire habiter les gens au rez-de-chaussée n'est pas toujours facile, notamment dans les centres compacts. Il faut être très inventif en la matière, trouver des systèmes de baux commerciaux provisoires, faire venir des étudiants, ou des gens de façon temporaire, trouver des activités, y compris celles liées à l'économie numérique, qui donnent une image plus jeune de la ville. L'un des problèmes des centres-villes est que les jeunes partent avec une image vieillotte de la ville. Or s'ils partent faire des études, ils reviendront volontiers s'ils voient que la ville a bougé, même s'ils sont obligés d'aller faire leurs études dans une ville plus importante. La question des rez-de-chaussée est donc cruciale.

J'examine à présent l'attractivité des centres-villes.

Il y a aujourd'hui une crise du financement public des équipements et de leur modèle de fonctionnement : je pense aux maisons de la culture et aux médiathèques. Je pense qu'il faut, sinon les mutualiser, au moins les faire marcher ensemble.

Au Brésil, le SESC, serviço social do comerço, que l'on peut traduire par « service social du commerce », est un modèle intelligent, mis en place dans les très grandes villes. Les commerçants et les entrepreneurs paient une petite cotisation pour monter des ensembles dans lesquels on fait de la restauration, du sport, des loisirs, du théâtre, des expositions. C'est un véritable carrefour où des publics très différents peuvent se croiser dans la journée.

Réussir à mettre en place ce type de structure, à mon avis, générerait des économies, en termes de mutualisation et favoriserait la rencontre de populations diverses, ce qui ne pourrait que profiter aux centres-villes. Cela permettrait aussi de transformer des bâtiments existants, pour un coût inférieur à celui d'équipements neufs, que les Français savent faire, mais dont les frais de fonctionnement sont ensuite difficile à assurer.

Il faut choisir les bons effets de levier, qui diffèrent selon les villes et les situations.

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